Page:Tertullien - Œuvres de Tertullien, édition Charpentier, 1844.djvu/253

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plaisir de toutes ensemble, cache-les dans ton sein si elles sont si nettes, répand-lés sur ta couche, verse-les dans ta coupe, là elles ne peuvent nuire en aucune façon, fais-les servir en autant de sortes que tu as de sentiments. Mais quelle saveur as-tu des fleurs à la tête ? de quoi te profite plus la vue d’un chapelet, que le lien d’un bandeau ? tu n’en vois ni la couleur, ni tu n’en tires l’odeur, et n’en aperçois point la délicatesse. Cela est autant éloigné de la nature, de rechercher les fleurs pour la tête, comme des viandes pour les oreilles et des sons pour le nez. Or ce qui est contre nature, mérite d’être appelé de tous monstre, et de nous noté pour témoignage de sacrilège contre Dieu, auteur et maître de la nature.

[VI 2]. Demandes-tu donc la loi de Dieu, quand tu as cette commune loi en la place publique de l’univers, et gravée dans tous les tableaux de la nature, auxquels l’apôtre a accoutumé de renvoyer ; comme quand, parlant des voiles des femmes, il dit : « Nature ne nous l’enseigne-t-elle pas ? » ou quand il écrit aux Romains, « que les gentils font par nature ce que la loi commande. » Il leur propose ainsi la loi naturelle et la nature légale. Et aussi quand il dit en la première partie de la même épître : « Que les hommes et les femmes ont changé le naturel de leur usage et condition et sexe en celui qui est contre nature. Et ce, pour la peine de leur erreur, certes, il soutient l’usage de la nature. Nous avons premièrement connu Dieu par la nature, l’appelant le Dieu des dieux, l’estimant très-bon, et l’invoquant comme juge. Tu demandes si la nature nous doit guider pour jouir de la condition de Dieu, parce qu’il est à craindre que nous n’y soyons ravis et aliénés par cette même nature, par laquelle le jaloux et envieux contre Dieu a corrompu avec l’homme même l’universelle condition des créatures, assujettie et asservie à l’homme pour certains usages ; d’où vient que l’apôtre a dit qu’elle a succombé à contre-cœur à la vanité, étant bien souvent subvertie par vains usages, sales, injustes, impies. Ainsi donc est avilie et déshonorée la condition des créatures parmi les voluptés des spectacles, par ceux de qui