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l’autorité, et principalement celle de la coutume, laquelle doit être d’autant plus en honneur et estime qu’elle doit servir d’interprète et de truchement à la raison ; de manière que s’il plaît à Dieu de te l’enseigner, tu saches alors pourquoi tu dois observer la coutume.

[V 2]. Mais pourquoi demande-t-on avec tant d’opiniâtreté plus grande raison des usages chrétiens, vu qu’ils sont maintenus et défendus par la nature qui est la première maîtresse et discipline de toutes choses ? et pourtant elle sera la première qui nous montrera que la couronne n’est pas convenable sur la tête. Or le Dieu de la nature, celui qui, je crois, est le nôtre, qui a moulé l’homme et disposé en lui des sens certains pour désirer, discerner et obtenir le plaisir et jouissance des choses, comme par des instruments propres ; qui a creusé l’ouïe dans les oreilles, allumé la vue aux yeux, enclos le goût dans la bouche, éventé le flairement dans les narines, et mis la règle et connaissance de l’attouchement dans les mains ; par ces instruments et outils qui sont en dehors de l’homme, et qui lui servent en dedans, a voulu que le fruit et la jouissance de ses bénéfices fussent conduits et portés des sens jusqu’à l’âme. Quels fruits retire-t-on des fleurs ? car la propre, ou pour le moins la principale matière des couronnes, est des fleurs des champs. Tu diras que c’est la couleur, ou l’odeur, ou tous les deux ensemble. Quels seront les sens de la couleur ou de l’odeur ? Ce sera, à mon avis, la vue et l’odorat. Quelles parties de notre corps ont été loties et partagées de ces deux sens ? Ce sont les yeux et les narines, si je ne me trompe. Contentez-vous donc de voir les fleurs, ou de les sentir puisque cela leur appartient ; jouissez-en avec les yeux et les narines, propres membres et sujets de ces sens. La nature est donnée clé Dieu, et de l’usage du monde, lequel ne peut contredire à celui de la nature. Estimez donc les fleurs liées et entrelacées en bouquet de soie ou de jonc, de même que si elles étaient déliées en leur naturel, belles à voir et touffues à fleurir. Si tu veux user d’un chapeau de fleurs, pour en porter grand nombre bien ordonnées, et en avoir le