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des armes de l’apôtre, et étant couronné de la couronne blanche du martyre, mieux, certes, que s’il eût eu celle de laurier sur la tête, il attend dans la prison la largesse de Jésus-Christ. Voilà soudain des jugements qu’aucuns font sur lui (je ne sais si je les dois nommer chrétiens, vu que les païens n’en disaient pas pis), comme d’un étourdi, téméraire et désespéré, lequel interrogé sur son habit a mis le nom de chrétien en danger, comme s’il n’y avait que lui seul qui eût du courage, et comme si, entre tant de frères ou soldats, chrétiens comme lui, il était le seul qui fût chrétien. Certes, il ne reste à ces gens-là, sinon de songer comment ils pourront rejeter le martyre, de même qu’ils ont rejeté les prophéties faites par le Saint-Esprit. Finalement ils murmurent entre les dents de ce qu’ils courent grande fortune de perdre cette bonne et douce paix dans laquelle ils ont vécu si longtemps. Je ne doute pas qu’aucuns d’entre eux n’aient commencé de transporter leurs livres et papiers, qu’ils ne tiennent leur paquet tout prêt, et qu’ils ne s’apprêtent pour fuir de ville en ville : car ils se souviennent d’autres passages de l’Évangile que de celui-là. Je connais leurs pasteurs, lions en paix, et cerfs en guerre ; mais nous traiterons ailleurs les questions touchant le martyre. Nous nous contenterons à présent de parler de ce qu’il nous opposent. Où est-il défendu de porter couronne ? Je commencerai plus volontiers par ce point qui est le fait de la présente matière, afin que par l’exemple, principalement de celui-ci, les chrétiens qui ont été couronnés de lauriers, qui font cette question par ignorance, soient instruits, et ceux qui se formalisent de la défense de leur faute, soient convaincus, lesquels pensent se soulager en la révoquant en doute, comme si la faute était nulle ou incertaine, qui peut être mise en dispute. Or je montrerai que, sans doute, c’est une faute vraie et certaine.

II. Je dis donc que nul des fidèles ne sait ce que c’est que de porter la couronne sur sa tête, excepté le temps de cette épreuve et de tentation. Tous l’observent ainsi depuis les catéchumènes jusqu’aux confesseurs et martyrs,