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firent jamais perdre de vue le Seigneur. Sa fermeté fut toujours victorieuse, pour nous servir d’un exemple authentique de patience, et pour nous apprendre que, soit que nous souffrions dans le corps ou dans l’âme, ni la ruine des biens terrestres, ni la perte de nos proches, ni d’autres semblables affections ne doivent point nous abattre. Quel glorieux trophée ! Dieu ne l’élèvera-t-il pas alors dans la personne de Job contre l’orgueil du démon ? Quelle éclatante victoire ne remporte-t-il pas sur cet ennemi de sa gloire divine ? Lorsque Job, à toutes les fâcheuses nouvelles qu’il apprenait, se contentait de dire humblement : La volonté de Dieu soit faite ; lorsque, fatigué des reproches de sa femme et des mauvais conseils qu’elle s’empressait de lui donner dans ce comble de malheurs, il ne lui répondait autre chose, sinon : « Vous ne pensez pas à ce que vous dites, » quel spectacle ! Dieu est dans l’allégresse, si j’ose m’exprimer ainsi ; le démon crève de rage lorsque cet illustre malheureux couché sur son fumier ôte avec une tranquillité incompréhensible le pus qui couvre toutes les parties de son corps ; lorsque, rongé par une fourmilière de vers, il se contente de ramasser ceux qui tombent et de les remettre dans les endroits d’où ils sont tombés. C’est ainsi qu’il émousse avec la cuirasse et le bouclier de la foi tous les traits de l’esprit tentateur ; c’est ainsi qu’il recouvre la santé du corps, et le double des biens qui lui avaient été enlevés. S’il eût même désiré que ses enfants lui fussent rendus, il aurait pu de nouveau être appelé leur père ; mais il aima mieux que cette joie lui fût réservée pour le grand jour de l’éternité, se confiant en la promesse de Dieu touchant la résurrection générale. En un mot, il voulut souffrir cette perte, toute douloureuse qu’elle était, afin de ne vivre jamais sans exercer la patience.

XV. Il est donc vrai qu’on ne perd rien avec cette vertu, et Dieu lui-même en est un garant fidèle ; car si vous remettez entre ses mains l’injure qu’on vous a faite, le dommage qu’on vous a causé, la douleur que vous