Page:Tertullien - Œuvres de Tertullien, édition Charpentier, 1844.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

impatient conservera cette paix si précieuse ! Pensez-vous qu’il pardonnera aisément à son frère, « jene dis pas jusqu’à sept fois, mais encore jusqu’à septante fois sept fois ? » Celui-là a-t-il intention de payer ses créanciers, quand il leur fait cent chicanes devant le juge pour éluder le paiement ? Comment remettrez-vous les dettes de votre prochain, afin qu’on vous remette les vôtres, si, oubliant les règles de la patience, vous ne faites attention qu’au tort qu’on vous a fait ? Non, non : tandis que vous garderez quelque ressentiment dans votre cœur, vous ne sauriez offrir à l’autel un don agréable à Dieu. Il faut auparavant avoir recours à la patience pour vous réconcilier avec votre frère. Nous risquons beaucoup si le soleil se couche sur notre colère : ainsi malheur à nous si nous passons seulement un jour sans la vertu de la patience.

S’il est donc vrai, comme nous venons de le montrer, qu’elle gouverne, pour ainsi dire, les autres vertus chrétiennes, faut-il s’étonner qu’elle seconde aussi la pénitence dans les occasions où celle-ci vient au secours de ceux qui sont tombés ? Ainsi lorsque deux personnes mariées ont fait divorce (c’est-à-dire qu’elles se sont séparées pour une cause légitime qui permette à l’homme et à la femme de passer quelque temps dans une espèce de chaste veuvage), la patience attend, désire, demande la pénitence pour ces personnes, afin qu’elles puissent rentrer dans la voie du salut. Quel bien ne procure-t-elle pas à tous les deux ? Elle empêche l’un de devenir adultère, et au même temps elle corrige l’autre. C’est encore sous la figure d’un secours salutaire qu’elle nous est représentée dans les différentes paroles où Jésus-Christ nous offre tant de beaux exemples du véritable patient. La patience du bon pasteur cherche et trouve enfin la brebis perdue : l’impatience aurait compté pour rien une brebis ; mais la patience prend volontiers la peine de la chercher et de la porter sur les épaules, souffrant doucement la faute de cette brebis égarée. C’est