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leur mort, ni se laisser abattre par la douleur, car pourquoi vous attrister si vous croyez qu’ils n’ont point cessé d’être ? Pourquoi supporter avec tant d’impatience quecelui qui reviendra infailliblement vous ait été enlevé pour quelque temps ? Ce que vous appelez une mort n’est proprement qu’un voyage ; le défunt doit revenir. Ainsi, bien loin de donner des larmes à celui qui prend les devants et part le premier, il faut seulement le suivre de nos regrets, que dis-je ? de nos désirs ! Encore ce regret doit-il être modéré parla patience. En effet, pourquoi vous affliger à l’excès du départ de celui que vous suivrez bientôt !

Ajoutez que l’impatience en ces rencontres fait mal augurer de notre espérance, et paraît donner atteinte à notre foi. Nous offensons Jésus-Christ lorsque nous regrettons comme des gens à plaindre ceux qu’il a appelés à lui en son royaume. Ecoutons les sentiments de l’apôtre : « Je souhaite, dit-il de sortir de captivité et d’être bientôt avec Jésus-Christ. » Leçon excellente, qui apprend aux chrétiens quels doivent être leurs désirs. Si nous paraissons donc affligés que les autres aient déjà obtenu l’objet de leurs vœux, n’est-ce pas une marque que nous ne voulons pas l’obtenir nous-mêmes ?

X. Voici un autre grand sujet d’impatience, c’est la passion que l’on a de se venger, afin de satisfaire sa fierté ou sa malice ; fierté toujours vaine, malice toujours criminelle ; mais principalement en cette rencontre, où elle s’établit juge dans sa propre cause, et prononce témérairement un arrêt de vengeance contre le prochain. Ainsi rendant le mal pour le mal, elle paie le double de celui qu’on lui a fait, puisqu’elle se venge (ce qui est déjà un mal) et qu’au même temps elle fait insulte, ce qui est un autre mal. La vengeance est la consolation des insensés et des barbares. Le sage et le chrétien la regardent comme l’effet de la seule méchanceté. En effet, quelle différence y a-t-il entre celui qui attaque et celui qui, étant attaqué, rend la pareille ? C’est que l’un est le premier