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jettent sur les grands chemins, comme des bêtes féroces, pour voler, égorger et assassiner les passants. Pournous, qui devons suivre des maximes bien différentes des leurs, nous devons sacrifier non l’âme pour l’argent, mais l’argent pour l’âme, soit en donnant de bon gré, soit en perdant sans inquiétude.

VIII. D’ailleurs nous sommes en cette misérable vie exposés aux plus grandes épreuves, et l’Évangile nous oblige quelquefois d’essuyer les plus grands affronts, malgré nos plus grandes répugnances. Faudra-t-il donc que de légères attaques nous blessent mortellement ? Loin de nous une telle faiblesse. A Dieu ne plaise que notre patience éprouvée tous les jours par mille traits violents, succombe honteusement sous une légère injure. Si vous êtes insultés, souvenez-vous aussitôt de l’avertissement de notre Seigneur : « Lorsqu’on vous frappera, dit-il, sur une joue, présentez encore l’autre joue. » Lassez l’insolence d’autrui par votre patience. Quelque ignominieuse et affligeante que soit l’insulte que vous recevez de votre adversaire, ne vous emportez pas ; il en sera plus grièvement puni par le Seigneur pour l’amour de qui vous la supportez. Vous ne pouvez mieux vous venger de votre ennemi qu’en souffrant tranquillement ses mauvais procédés. Rappelez aussitôt dans votre souvenir ces paroles de l’Évangile : « Réjouissez-vous lorsqu’on parlera mal de vous  » D’ailleurs le Seigneur lui-même, quoiqu’il soit le seul essentiellement et souverainement digne de bénédiction, n’a-t-il pas néanmoins été accablé de malédictions sur la croix ? Suivons un tel maître. Que le monde nous maudisse, peu importe, pourvu que nous soyons bénis de notre Père céleste. Au contraire si je souffre avec chagrin une parole qu’on aura dite contre moi, il faut ou que je rende la pareille ou que je me tourmente moi-même dans mon impatience, sans oser me plaindre. Et si je viens à me venger en rendant injure pour injure, comment me montrerai-je fidèle disciple de Jésus-Christ ?