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aux biens du ciel, succombe lâchement sous le poids de la disgrâce, pèche directement contre Dieu. Pourquoi ? Parce que pour l’amour d’une chose temporelle il avilit cette âme qui n’a été créée que pour les biens éternels. Renonçons donc courageusement aux choses de ce monde ; contemplons sans cesse les biens célestes. Que tout le monde périsse avec tous ses biens, peu nous importe, pourvu que nous devenions riches en patience.

D’un autre côté, je demande si celui qui souffre impatiemment la perte d’un bien qu’on lui a ravi, ou qu’il aura perdu par quelque autre voie, aura le courage de se priver de ce bien pour en faire quelque aumône ? Celui qui ne veut pas se laisser tuer par un autre est-il de goût de se tuer lui-même ? La patience dans les disgrâces est un exercice par où l’on s’accoutume à faire part de son bien aux autres. Celui qui ne se fâche point de perdre ne se fâche point aussi de donner. En effet, comment voulez-vous qu’un homme qui a deux habits en donne un à un pauvre, s’il n’est dans la disposition d’offrir son manteau à celui qui lui aurait enlevé sa tunique ? Comment nous ferons-nous des amis par nos richesses si nous y attachons tellement notre cœur que leur perte nous rende inconsolables ? Malheureux que nous sommes, nous périrons avec ce que nous perdons. Eh ! que pouvons-nous trouver ici-bas où nous devons un jour tout perdre ? C’est un défaut des gentils de s’abandonner à l’impatience dans les disgrâces. Pourquoi ? parce qu’ils font sans doute plus de cas de leurs richesses que de leur âme. Ils le montrent effectivement lorsque, pour l’amour du gain, ils vont affronter tous les périls de la mer ; parce que cette témérité leur a été quelquefois lucrative ; lorsque, par le désir de se procurer une plus haute fortune, ils vont dans le barreau plaider des causes que les coupables trembleraient eux-mêmes de soutenir ; lorsque, pour se tirer de l’indigence, ils vont se louer à quelque comédien insolent ou à quelque brutal gladiateur ; lorsque enfin ils se