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gain. Je ne fais mention que de ces deux vices, parcequ’ils sont les plus communs et les plus criminels devant Dieu. Mais, pour le dire en un mot, tout péché vient de l’impatience. On est méchant, parce qu’on trouve trop de peine à être homme de bien. La pureté est insupportable à l’impudique, la probité au scélérat, la piété à l’impie, le repos à un esprit inquiet. On devient vicieux, parce qu’on ne peut pratiquer plus longtemps la vertu. L’impatience étant donc la source des péchés, ne doit-elle pas offenser infiniment celui qui ne saurait approuver aucun péché ?

D’ailleurs il est manifeste que l’impatience fut la principale cause de tant de révoltes où les Israélites se laissèrent aller contre le Seigneur. En effet, d’où vient que ce peuple ingrat, oubliant le bras tout-puissant qui l’avait délivré de la cruelle servitude d’Égypte, demande à Aaron de nouveaux dieux qui puissent le conduire dans la terre promise ? D’où vient que, portant l’insolence au plus haut point, hommes et femmes sacrifient volontiers leur or pour en faire une idole publique ? Cette audace criminelle vient de ce qu’ils supportèrent impatiemment que Moïse fût si longtemps à s’entretenir avec Dieu, quelque nécessaire que fût cet entretien. En vain ils ont été repus miraculeusement d’une manne qui leur a été envoyée du ciel comme une rosée nourrissante ; en vain ils ont été abreuvés de l’eau tirée d’un rocher : ils se défient encore du Seigneur. Une soif de trois jours les accable ; ils ne peuvent plus l’endurer. Voilà l’impatience que Dieu leur reproche lui-même dans l’Écriture. En un mot pour ne pas descendre dans un plus long détail, le malheur du peuple juif est toujours venu d’un défaut de patience. Pourquoi ont-ils fait mourir les prophètes ? C’est pour n’avoir pas voulu souffrir leurs avis. Pourquoi ont-ils fait mourir Jésus-Christ lui-même ? C’est pour n’avoir pu supporter sa présence : ils auraient été moins misérables s’ils eussent été plus patients.