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désordres avec tant de bonté que sa patience extrême semble faire quelque tort à sa toute-puissance. En effet, plusieurs en viennent à douter s’il y a un Dieu, parce qu’il ne comprennent pas pourquoi il est si lent à punir le crime.

III. Voilà le premier tableau de la patience que ce divin maître offre à nos yeux dans le lointain d’une perspective, pour nous la faire considérer comme une vertu céleste. Mais que dirons-nous de la patience divine qui s’est montrée parmi les hommes, et qu’ils ont, pour ainsi parler, touchée au doigt dans la personne de Jésus-Christ ? Cet Homme-Dieu ne refuse pas de demeurer caché dans le sein d’une mère, où il veut attendre le temps ordinaire de la naissance : il veut croître comme les autres hommes. Étant plus âgé, il ne cherche point à se faire connaître. Bien plus, il semble se faire tort à lui-même, car il se laisse baptiser par son serviteur, et tenter par le démon. Lorsque de souverain de l’univers il est devenu notre maître pour nous apprendre la voie du salut, accoutumé déjà lui-même à supporter leurs fautes, « il ne conteste point, il ne se plaint point, il ne fait point entendre ses cris dans les places publiques, il ne brise point le roseau ébranlé, il n’éteint point la mèche qui jette encore de la fumée. » C’est ainsi que devait se vérifier la prédiction du prophète, ou plutôt le témoignage de Dieu même, qui nous assure qu’il a mis son esprit dans son fils, avec l’esprit d’une entière et universelle patience. Il ne rejette aucun de ceux qui veulent se joindre à lui, ni la maison, ni la table de personne ; il ne rebute ni les pécheurs ni les publicains ; il ne se fâche point contre les habitants d’une ville de Samarie, qui refusent de le recevoir, tandis que ses disciples, indignés contre cette ville insolente, demandent que le feu du ciel tombe subitement pour la réduire en cendre. Il guérit les lépreux ingrats, il pardonne à ses calomniateurs, il lave les pieds à ses disciples. Ce n’est pas tout, il souffre en sa compagnie