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tellement inséparable des devoirs qui regardent Dieu, que sans la patience on ne saurait accomplir aucun précepte ni faire aucune œuvre qui soit agréable au Seigneur. Ceux mêmes qui vivent dans les ténèbres du paganisme ne peuvent s’empêcher de lui donner le nom glorieux de souveraine vertu ; car les philosophes, du moins ceux qui passent pour les plus sages, font tant d’estime de la patience que, malgré la bizarre diversité de leurs sectes et l’opiniâtre opposition de leurs sentiments, ils s’accordent tous néanmoins au regard de cette vertu. Ils conspirent, ils se réunissent tous en sa faveur ; ils s’attachent, comme de concert, à elle, pour se faire une juste réputation dans le monde ; enfin ils ne s’estiment sages qu’autant qu’ils sont patients. Preuve authentique de l’excellence de cette vertu, puisque même la philosophie humaine y fonde toute sa gloire et tout son mérite ; ou plutôt n’est-ce point une honte qu’une chose si divine soit ainsi à la merci des profanes esprits du siècle ? Mais laissons là ces sages orgueilleux, dont la défectueuse sagesse sera un jour confondue et anéantie avec l’univers.

II. Pour nous, nous avons des motifs plus efficaces et plus glorieux de pratiquer la patience. Ce n’est point une affectation superbe, accompagnée d’une stupidité cynique, qui doit nous animer à cette vertu, c’est la suprême et vivante règle d’une doctrine céleste qui, nous représentant Dieu lui-même comme le plus parfait modèle de patience, doit nous engager à devenir patients comme lui. Car voyez d’abord comment il fait également luire son soleil sur les bons et sur les méchants ; comment il permet que les uns et les autres profitent indifféremment de l’utilité des saisons, des éléments et des dons de toute la nature. Tout Dieu qu’il est, il supporte l’ingratitude de tant de nations qui ne cessent de blasphémer son nom et d’outrager ses serviteurs, et qui portent l’insolence jusques à adorer les ouvrages bizarres de leurs propres mains. Enfin il souffre le libertinage, l’avarice, l’injustice, et tout ces autres dérèglements honteux que l’on voit se multiplier tous les jours dans le monde ; il souffre, dis-je, ces