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plus manifeste ; leur assigner à chacun leurs limites, « les ténèbres sur l’abîme, l’Esprit sur les eaux, » c’était mer la confusion des substances, puisque l’écrivain sacré en établissait la distinction en nous montrant la disposition de chacune.

Enfin, il est absurde que cette même Matière, qui nous est représentée comme informe, soit reconnue telle par la dénomination de tant de formes différentes, sans que l’on nous ait appris quel est ce corps confus, qu’il faut croire unique par conséquent ; car ce qui est informe est uniforme. Mais un corps informe, réunion confuse d’éléments divers, ne devra nécessairement avoir qu’un seul aspect, parce que ce n’est point en avoir, que d’en avoir un seul par le mélange de nombreux éléments. D’ailleurs, point de milieu ! ou la Matière avait en elle-même ces espèces différentes qui servaient à la désigner, je veux dire les ténèbres, l’abîme, l’Esprit et les eaux, ou elle ne les avait point. Si elle les avait, comment nous la donner comme dépourvue de formes ? Si elle ne les avait pas, comment la reconnaître ?

XXXI. On se réfugie dans cet argument. L’Ecriture, dit-on, n’a voulu parler que du ciel et de notre terre, parce que Dieu les créa dans le commencement. Quant aux espèces mentionnées plus haut, il n’y a rien de semblable. Conséquemment, comme il n’est pas désigné qu’elles ont été faites, elles appartiennent à la Matière incréée. Nous répondrons aussi à cette difficulté. L’Ecriture divine s’expliquerait déjà assez clairement, si elle nous affirmait que les ouvrages les plus éminents de la création, le ciel et la terre, ont été formés par Dieu, qu’ils ont par conséquent les ornements qui leur sont propres, et qui eux-mêmes sont renfermés dans ces corps principaux. Or les ornements du ciel et de la terre étaient alors les ténèbres et l’abîme, et l’Esprit et les eaux. En effet, l’abîme et les ténèbres étaient répandus sur la terre. Si l’abîme était au-dessous de la terre, et les ténèbres au-dessus de l’abîme, les ténèbres et