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de même que rien n’a été disposé sans la Sagesse, comment supposer qu’il y a quelque chose, excepté le Père, qui soit plus ancien que le Fils de Dieu, son Verbe unique et premier-né, et par la même qu’il y a quelque chose de plus noble que lui, bien loin de penser que la Matière incréée soit plus puissante que ce qui a été créé, ce qui n’a pas été fait que ce qui a été fait ? Car la chose qui, pour être, n’a eu besoin d’aucun créateur, sera beaucoup plus élevée en rang que celle qui, pour être, a eu besoin d’un Créateur. Conséquemment, si le mal est incréé, tandis que le Verbe de Dieu est né, « Mon cœur, est-il dit, ne contient plus la parole heureuse, » je ne comprends pas comment le mal peut être produit par le bien, le plus fort par le plus faible, puisque ce qui est incréé émane de ce qui est créé. Hermogène conséquemment met la Matière au-dessus de Dieu, en la mettant au-dessus du Fils. « Car le Fils est le Verbe, et, ce Verbe est Dieu. —Mon Père et moi, nous ne sommes qu’un, » dit-il, à moins que le Fils ne voie avec un œil d’indifférence qu’on lui préfère celle dont l’hérétique fait l’égale du Père.

XIX. Mais j’en appelle aux livres de Moïse, où sont consignées nos origines, et par lesquels nos antagonistes essaient, quoique vainement, d’établir leurs misérables conjectures, de peur que le procès ne soit pas instruit là où il a dû s’instruire. Ils ont donc pris occasion de quelques paroles, ainsi que le pratiquent ordinairement les hérétiques, pour torturer le sens des choses les plus simples. En effet, « de ce principe lui-même dans lequel Dieu créa le ciel et la terre, » ils ont fait quelque chose de solide et de corporel auquel ils donnent le nom de Matière. Pour nous, restituant à chaque mot sa propriété, nous entendons par ce principe le commencement, et nous disons que cette expression convient à des choses qui commencent à être. En effet, rien de ce qui doit naître n’est sans commencement, ni sans que le commencement pour elle ne soit