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quelle que soit sa puissance, la puissance lui convient plus que la faiblesse.

Mais si nous accordons, d’une part, que la Matière ne renfermait en elle rien de bon, de l’autre, que Dieu a produit par sa propre vertu tout ce qu’il a produit de bon, il va s’élever encore d’autres difficultés. D’abord, si nulle espèce de bien ne se trouvait dans la Matière, le bien n’est donc pas sorti de la Matière, puisque la Matière n’en possédait aucun germe. En second lieu, s’il n’est pas sorti de là Matière, il est donc sorti de Dieu. S’il n’est pas sorti de Dieu, il est donc sorti du néant. D’après le système d’Hermogène, il n’y a plus que cela.

XV. Or, si le bien n’est pas le produit de la Matière, parce qu’il ne résidait pas en elle, attendu qu’elle est mauvaise, ni de Dieu, parce que rien ne peut être créé de Dieu, comme l’établit Hermogène, il suit de là que le bien a été fait de rien, puisqu’il n’est le produit de personne, de Dieu pas plus que de la Matière. Mais si le bien a été créé de rien, pourquoi pas le mal aussi ? Il y a mieux ; pourquoi toutes les créatures ne sont-elles pas sorties du néant, si quelque chose en est sorti, à moins que la puissance divine, qui a tiré une chose du néant, ait été impuissante à en tirer toutes choses ? Dira-t-on que le bien est sorti d’une Matière mauvaise, puisqu’il ne sort ni du néant ni de Dieu ? Il faut donc que, contrairement à l’immutabilité, privilège de ce qui est éternel, il ait son origine dans la transformation de la Matière. Hermogène niera aussitôt que le bien ait pu sortir de la Matière dont on le fait sortir. Il est nécessaire cependant qu’il soit sorti de quelqu’une des choses d’où il a nié qu’il ait pu sortir.

D’ailleurs, si le mal n’a pu sortir du néant sans que Dieu en devienne l’auteur, par la raison qu’on l’imputerait à sa volonté, et qu’il faille l’attribuer à la Matière, afin qu’il appartienne à celle dont la substance l’a formé, dans ce système, comme je l’ai dit, Dieu va passer pour l’auteur du mal, puisque, au lieu de tirer de la Matière, en vertu de