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et mauvais, « peuvent s’allier la lumière et les ténèbres, la douceur et l’amertume. » Ou bien si des choses aussi différentes que le bien et le mal ont pu se réunir dans la Matière, et composer sa double nature, féconde en fruits de l’une et de l’autre espèce, les biens ne peuvent pas plus dès-lors être imputés à Dieu, que les maux ne lui sont imputés. Comme ils dérivent également de la propriété de la Matière, ils appartiennent également à la Matière. A ce prix, nous ne devons plus à Dieu aucune action de grâces pour ses biens, plus aucun reproche pour ses maux. Il n’a rien fait par sa propre volonté. Qu’est-il donc ? l’esclave de la Matière.

XIV. On a beau dire, en effet, que tout en produisant les biens à l’occasion de la Matière, il ne laisse pas de les avoir créés par choix et volonté, en découvrant ce qu’il y avait de bon dans la Matière, quoique ce soit là encore une honte pour Dieu, toujours est-il que quand il tire les maux de la Matière, même en ne les produisant que malgré lui, il devient l’esclave de la Matière, puisqu’il ne peut les tirer d’une substance mauvaise que malgré lui, car il est bon ; par nécessité, car c’est malgré lui ; par un acte de servitude, car il obéit à la nécessité. Qu’il ait créé le mal par nécessité ou librement, qu’y a-t-il là de plus honorable ? En effet, il Ta créé par nécessité, s’il l’a tiré de la Matière : il l’a produit librement, s’il l’a créé de rien. Vainement donc tu travailles à justifier Dieu du reproche d’avoir créé le mal ; dès qu’il l’a tiré de la Matière, le mal sera imputé à celui qui l’a fait, en tant qu’il en a été la cause efficiente. Sans doute, il y a une différence de dire qu’il l’a tiré de quelque part ou qu’il l’a produit de rien. Mais peu importe d’où il l’a tiré, pourvu qu’il l’ait tiré d’où cela était le plus digne de lui ? Or, il était plus digne de lui de le créer par un acte de sa volonté plutôt que par un acte de la nécessité, c’est-à-dire de le faire sortir du néant plutôt que de la Matière. Il est plus raisonnable aussi de croire que Dieu a été libre plutôt qu’esclave dans la création du mal :