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que ses châtiments seront injustes. Que si le mal doit finir le jour « où le démon, qui en est comme le chef, aujourd’hui relégué dans le puits de l’abîme, aura été précipité dans les flammes que Dieu prépara pour lui et pour ses anges ; où la manifestation des enfants de Dieu aura délivré toute créature du mal, parce qu’elle est soumise à la vanité ; » où rendus à leur innocence et à leur intégrité primitives, « les troupeaux iront à la pâture avec les bêtes féroces, et les enfants à la mamelle se joueront avec l’aspic ; où le Père aura placé comme un escabeau sous les pieds du Fils ceux qui le combattaient, » c’est-à-dire les artisans du mal ; en un mot, si le mal doit avoir une fin, il faut nécessairement qu’il ait commencé, et voilà que la Matière aura un commencement, puisqu’elle doit finir avec le mal. Ce qui est regardé comme mal doit participer à l’essence du mal.

XII. Eh bien ! d’accord : la Matière est mauvaise, et très-mauvaise par nature conséquemment, de même que Dieu est bon et très-bon, aussi en vertu de sa nature. Il faut nécessairement que la nature demeure fixe et déterminée, aussi constamment attachée au mal dans la Matière, qu’inébranlable et immuable dans le bien, chez Dieu. En effet, si la nature pouvait dans la Matière passer du mal au bien, il s’ensuivrait que dans Dieu elle peut passer du bien au mal.

— Mais si la nature n’admet pas de changement, me dira-t-on, « les pierres ne pourront donc susciter des enfants à Abraham ; les races de vipères produire des fruits de pénitence, ni les enfants de la colère devenir les enfants de la paix ? »

— C’est sans fondement que tu allègues ces exemples, ô homme ! car des choses qui ont eu un commencement, telles que des pierres, des vipères et des hommes, n’ont rien de commun avec la question de la Matière qui est incréée. Par là même que leur nature a eu un commencement, elle peut avoir une fin. Mais n’oublie pas que la Matière