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tu quelque chose de plus honteux ? S’il a voulu l’existence d’une chose qu’il a refusé de produire par ses propres mains, il s’est mis en contradiction avec lui-même, en voulant l’existence d’un être qu’il n’a pas voulu produire, et en ne voulant pas produire un être dont il a voulu l’existence. Il en a voulu l’existence comme si c’était un bien ; il n’a pas voulu le produire comme si c’était un mal. Ce qu’il a déclaré mauvais en refusant de le produire, il l’a proclamé bon en lui permettant d’être ; en supportant le mal comme quelque chose de bon, au lieu de l’extirper sur-le-champ, il se trouve en être le promoteur : crime, si c’est volontairement ; honte, si c’est par nécessité. En un mot, Dieu n’est plus que l’esclave ou le complaisant du mal, dès qu’il a vécu avec la perversité de la Matière, à plus forte raison s’il a opéré sur une Matière perverse.

XI. Toutefois, où sont les preuves d’Hermogène pour nous persuader que la Matière est mauvaise ? Car il ne pourra s’empêcher d’appeler mauvais ce à quoi il assigne le mal en partage. Nous avons établi en principe que ce qui est éternel n’admettant ni diminution ni abaissement, ne peut être regardé comme inférieur à un autre être coéternel. Conséquemment, nous disons que le mal ne lui convient pas davantage, parce qu’en vertu de l’éternité qu’il possède, on ne peut abaisser ce qui répugne à toute espèce d’abaissement. Mais, puisque d’ailleurs il est démontré que ce qui est éternel, tel que Dieu, et par quoi Dieu est seul en étant éternel, et bon en étant Dieu, est l’Etre souverainement bon, comment la Matière sera-t-elle un mal, elle qui, en sa qualité d’éternelle, doit être nécessairement regardée comme l’être souverainement bon ? Ou bien si ce qui est éternel peut être cru un mal, ce mal, en sa qualité d’éternel, sera invincible et insurmontable. Il faudra en conclure que vainement nous travaillons à « retrancher ce mal du milieu de nous ; » que vainement Dieu nous le recommande et nous le prescrit ; c’est trop peu, que vainement Dieu s’en constitue le juge, par conséquent