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plus on s’imagine que la Matière a toujours subsisté, par la raison que Dieu a toujours été Seigneur, plus il est constant que rien n’a existé, puisqu’il est certain que Dieu n’a pas toujours été Seigneur.

J’ajoute encore une réflexion à cause de ceux qui ne comprennent pas ; — Hermogène en est la dernière limite, — et je retourne contre lui ses propres conceptions. Puisqu’il nie que la Matière ait pris naissance ou qu’elle ait été faite, je trouve encore que le nom de Seigneur ne convient pas à Dieu par rapport à la Matière, car il faut nécessairement qu’elle ail été libre, puisque n’ayant point eu de commencement, elle n’a pu avoir de Créateur : ce qui existe par soi-même n’est asservi à qui que ce soit. Par conséquent, depuis que Dieu a exercé sur elle sa puissance, en produisant à l’aide de la Matière, dès ce moment, la Matière en subissant l’action de Dieu à titre de Seigneur, prouve invinciblement que Dieu n’a pas été Seigneur de tout temps.

IV. C’est par là donc que je commencerai à traiter de la Matière, puisque, dans ce système, Dieu l’assimile à lui-même, c’est-à-dire qu’elle n’est jamais née, qu’elle n’a jamais été faite, qu’elle est éternelle, n’ayant jamais eu de commencement, ne devant jamais avoir de fin. Quelle est l’origine de Dieu, sinon l’éternité ? Quelle est la nature de l’éternité, sinon d’avoir toujours été, et d’être destinée à toujours subsister, en vertu de son privilège, qui veut qu’elle n’ait ni commencement ni fin. Si c’est là le caractère distinctif de Dieu, il n’appartiendra qu’à Dieu dont il est le caractère distinctif. Communiquez-le à un autre, il cesse dès-lors d’être le caractère distinctif de Dieu, qui le partage avec celui auquel vous l’assignez : « Quoiqu’il y en ait qui soient appelés dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre, il n’y a d’ailleurs qu’un seul Dieu, qui est le Père, duquel procèdent toutes choses ; » raison de plus pour que chez nous, ce qui est le caractère distinctif de Dieu lui appartienne à lui seul ; encore un coup, un attribut qui lui serait commun avec un autre, ne serait plus son