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jusqu’à la tête, et dans sa doctrine et dans sa chair, puisqu’il s’est associé à la contagion de ceux qui réitèrent le mariage, et que l’apostolique Hermogène lui-même n’a pas persévéré dans sa discipline. Mais qu’importe la personne ? Je n’ai affaire qu’à la doctrine. Il ne semble pas qu’il reconnaisse un Seigneur Jésus-Christ différent du nôtre. Toutefois, il le fait autre qu’il le reconnaît ; que dis-je ? il enlève à Dieu tout ce qu’il est, en ne voulant pas qu’il ail créé de rien l’universalité des êtres. En effet, après être passé des Chrétiens aux philosophes, de l’Église à l’Académie et au Portique, voilà qu’il s’avise d’établir avec les Stoïciens une Matière, contemporaine du Seigneur, puisqu’elle a toujours été, n’ayant jamais pris naissance, n’ayant jamais été faite, sans commencement ainsi que sans fin, et dont le Seigneur se serait ensuite servi pour disposer toutes choses.

II. Voici par quels arguments ce détestable peintre a coloré cette première ombre, assurément dépourvue de lumière. Il établit, comme préliminaire, que le Seigneur a produit l’universalité des êtres ou de lui-même, ou de rien, ou de quelque chose, afin qu’après avoir montré qu’il n’a pu les produire ni de lui-même, ni de rien, il démontre ensuite ce qui reste, c’est-à-dire qu’il les a produits de quelque chose, et que ce quelque chose, c’était la Matière. Il n’a pu les tirer de lui-même, dit-il, parce que tous les êtres, tirés de la substance du Seigneur, auraient été autant de parcelles de lui-même. Or, Dieu n’admet aucun partage, puisqu’il est indivisible, immuable et toujours identique en sa qualité de Seigneur. D’ailleurs, s’il eût créé quelque chose de lui-même, il n’aurait été qu’une portion de lui-même. Il faudrait alors regarder comme imparfait tout ce qui se ferait et tout ce qu’il ferait, par la raison que cette chose se ferait d’un côté, tandis qu’il la ferait de l’autre. Ou bien, si c’est Dieu tout entier qui a fait la chose tout entière, le voilà dès-lors tout à la fois complet et incomplet, parce qu’il faudra qu’