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Où est-il question ici d’un fornicateur ? Où est-il question de l’impie qui a souillé la couche paternelle ? Où est-il question d’un Chrétien qui a surpassé l’impudeur des païens ? L’Apôtre n’eût-il pas absous par un pardon spécial celui qu’il avait condamné par une colère spéciale ! Sa pitié est plus obscure que son indignation. Sa rigueur est plus manifeste que sa douceur. D’ordinaire cependant la colère prend des voies plus détournées que l’indulgence ; la tristesse hésite plus que la joie. C’est qu’il s’agissait ici d’une indulgence légère. Nous pouvons nous en convaincre aujourd’hui mieux que jamais, où les plus grands crimes ne sont pas remis sans être proclamés hautement, à plus forte raison sans être mentionnés. Eh quoi ! si tu introduis dans l’Église la pénitence d’un fornicateur pour fléchir l’indignation de l’assemblée chrétienne, prenant par la main le coupable, caché sous un cilice, couvert de cendre, et annonçant par son extérieur le deuil et l’abattement, tu l’obliges de se prosterner publiquement devant les veuves et les prêtres, d’implorer l’assistance de nos frères, de baiser les pas de chacun d’eux, de se rouler humblement à leurs pieds ! Ce n’est pas tout. Pasteur bienveillant, évêque miséricordieux, tu harangues l’assemblée chrétienne, afin d’émouvoir la pitié en faveur du criminel, et tu cherches tes chèvres dans la parabole de la brebis ; tu fais promettre à ta brebis qu’elle ne s’échappera plus du bercail, comme si ce qui n’avait pas été permis même une fois ne l’était plus à l’avenir ; enfin, au moment où tu es le plus indulgent, tu t’efforces d’effrayer les autres sur les conséquences d’une chute. L’Apôtre, au contraire, aurait pardonné sur-le-champ un crime si abominable, qui à la souillure de la fornication ajoute celle de l’inceste, sans même exiger du prévaricateur ces marques extérieures, qui sont comme les ambassadrices de la pénitence, et que tu devrais avoir apprises de lui, sans le menacer à l’avenir, sans l’avertir de ses devoirs !

— Il y a mieux, répliques-tu. Il demande aux Corinthiens