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s’il n’avait été destiné à figurer la passion du Seigneur, qui devait racheter aussi les idolâtres pénitents. Heureusement pour notre cause, Jean qui frayait les voies du Seigneur, prêchait la pénitence aux soldats et aux publicains non moins qu’aux enfants d’Abraham. Le Seigneur lui-même ne dit-il pas que les habitants de Sidon et de Tyr auraient fait pénitence, s’ils avaient vu les témoignages de ses miracles ?

Il y a plus. Je soutiens que la pénitence s’applique mieux à des pécheurs par nature que par volonté. En effet, celui qui n’a pas encore usé de ses fruits les méritera mieux que celui qui en a déjà abusé ; et des remèdes employés pour la première fois auront plus de vertu que des remèdes usés. En vérité, Dieu va se montrer plus compatissant envers des ingrats qu’envers des ignorants ; il sera plus miséricordieux pour des réprouvés que pour des hommes qu’il n’a point encore approuvés ; de sorte qu’au lieu de s’irriter contre les affronts qu’a reçus sa clémence, il les encourage, et dispense moins volontiers ses libéralités aux étrangers qu’il ne les perd dans ses enfants, lorsqu’il adopte les nations à ce prix, tandis que les Juifs se jouent de sa patience !

Les Psychiques au contraire veulent que Dieu, le juge souverain, « préfère le repentir à la mort de ce pécheur, » qui de son côté préféra la mort au repentir. S’il en est ainsi, plus nous péchons, plus nous sommes agréables à Dieu. Eh bien donc ! funambule de la pudeur, de la chasteté et de toute espèce de continence, toi qui, avec une discipline de cette nature, et que n’avoue pas la vérité, marches d’un pas incertain sur cette corde si délicate, cherchant l’équilibre de ta chair par l’esprit, modérant par la foi les emportements de ton ame, et donnant à ton œil le frein de la crainte, pourquoi donc tant d’incertitude et de timidité ? Poursuis ta marche, si tu le peux, si tu le veux, puisque tu es si sûr de toi-même, et comme sur un terrain solide ! Si quelque faux pas de la chair, quelque distraction