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elle continue à garder la paix avec celui qu’elle ne pourra plus répudier, n’ayant pas même la permission de se remarier, quand elle pourrait le répudier. En effet, elle prie pour le repos de son âme ; elle demande pour lui le rafraîchissement ; elle conjure Dieu de la réunir à lui au jour de la résurrection, et chaque année elle célèbre l’anniversaire de sa mort par l’oblation du sacrifice. Si elle manque à ces pieux devoirs, elle a véritablement répudié son époux, autant qu’il est en elle, et cela avec d’autant plus d’injustice que, ne pouvant pas le répudier, elle l’a fait de la seule manière qu’elle a pu ; et cela avec d’autant plus d’indignité, que son époux ne le méritait pas. Ou bien, soutiendra-t-on que nous ne sommes rien après la mort ? Mais c’est là une maxime de quelque Epi-cure, et non de Jésus-Christ. Que si nous croyons à la résurrection des morts, nous continuons donc d’être liés à ceux avec lesquels nous ressusciterons, puisque nous rendrons compte de notre administration commune.

On me dira peut-être que, « dans le siècle à venir, les hommes n’épouseront pas de femmes, ni les femmes de maris, mais qu’ils seront comme les anges. » D’accord ; mais de ce que le mariage ne sera point rétabli, il ne s’ensuit pas que nous ne soyons pas liés à nos époux qui ne sont plus. Loin de là, nous leur demeurons liés d’autant plus étroitement que, destinés à un état meilleur, nous ressusciterons pour former une alliance spirituelle, et nous reconnaître nous aussi bien que les nôtres.

D’ailleurs, comment chanterions-nous dans l’éternité l’hymne de la reconnaissance envers Dieu, si nous ne gardions en nous-mêmes le sentiment et le souvenir de ce devoir ; si nous ne reprenions, en ressuscitant, que la substance sans la conscience ? Conséquemment, nous qui serons avec Dieu, nous serons ensemble, parce que, « malgré la différence des récompenses, malgré le grand nombre des tabernacles qui sont dans le royaume du Père, nous avons tous travaillé devant le même Dieu pour le denier du