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Dieu nos abstinences, et sans réprouver des aliments dont nous ne faisons que retarder l’usage.

Mais il y a mieux. Voilà que l’Apôtre, dans son Epître aux Romains, censure les détracteurs de ces pratiques « Prenez garde, dit-il, que pour vouloir manger d’une viande, vous ne détruisiez l’ouvrage de Dieu. » De quelle œuvre veut-il parler ? de celle dont il dit : « Il est bon de ne point manger de chair et de ne pas boire de vin. » Celui qui sert Jésus-Christ de cette sorte est agréable à notre Dieu et approuvé des hommes. L’un croit qu’il lui est permis de manger de toutes choses ; l’autre, au contraire, qui est faible, ne mange que des légumes. Que celui qui mange ne méprise point celui qui n’ose manger de tout. Oui êtes-vous pour oser ainsi condamner le serviteur d’autrui ? Celui qui mange et celui qui s’abstient, rend grâces à Dieu. » Si Paul ne veut pas que l’on conteste avec la liberté de l’homme [1], à plus forte raison avec celle de Dieu. C’est ainsi qu’il savait censurer ces hommes qui interdisaient ou retranchaient les aliments par dédain, mais non à titre d’hommages, tandis qu’il approuvait ceux qui, an lieu d’insulter le Créateur, ne voyaient dans cette abstinence qu’un acte de respect. Il a beau te donner les clefs du marché, en te permettant de manger de toutes choses, pour mieux en excepter les viandes offertes aux idoles, toutefois ce n’est pas dans le marché qu’il a enfermé le royaume de Dieu. « Le manger, dit-il, et la boisson ne sont pas le royaume de Dieu ; car la nourriture n’est pas ce qui nous rend agréables à ses » yeux. » Non pas qu’il entende la nourriture sèche et aride, mais plutôt celle qui est succulente et recherchée. Il ajoute en effet : « Si nous mangeons, nous n’aurons rien de plus devant lui ; ni rien de moins, si nous ne mangeons

  1. L’Apôtre avait dit au commencement du chapitre XIV, épître aux Romains : « Soutenez dans la charité celui qui est encore faible dans la foi, sans contester avec lui. »