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dans Montan, hésitez-vous à croire en Apicius[1] ?

XIII. Vous nous opposez comme prescription les Ecritures et la tradition des ancêtres, en affirmant qu’il ne faut rien ajouter aux observances, parce que toute innovation est illégitime. Eh bien ! restez sur ce terrain, si vous le pouvez. En effet, je vous vois non-seulement jeûner à Pâque et les jours où l’Epoux a été enlevé, mais encore célébrer de temps en temps des demi-jeûnes, et vous condamner au pain et à l’eau, selon que vous le trouvez bon. — Sans doute, répondez-vous ; mais ces pratiques sont volontaires, au lieu d’être imposées. — Vous voilà donc sortis déjà de votre ligne, et vous violez la tradition, puisque vous accomplissez des pratiques qui ne sont pas ordonnées. Mais quelle démence que d’accorder au caprice ce que l’on refuse au commandement du Seigneur ! Quoi donc ? la volonté de l’homme aura-t-elle plus de droits que la toute-puissance divine ? Quant à moi, je suis libre, je le sais, mais libre vis-à-vis du siècle et non vis-à-vis de Dieu. A moi d’accomplir les devoirs que m’impose le Seigneur, comme à lui de me les prescrire ; je lui dois non-seulement l’hommage de l’obéissance, mais la soumission de la flatterie[2] : par l’une je lui témoigne ma dépendance, par l’autre ma liberté.

Heureusement pour nous que les évêques ont coutume d’ordonner des jeûnes à tout le peuple, je ne dis pas pour lever sur lui des contributions, comme cela se pratique sur vous, mais souvent par quelque sollicitude pour les besoins de l’Église. Par conséquent, si, d’après l’édit d’un homme, vous vous livrez tous ensemble à des mortifications prescrites, d’où vient donc que vous censurez dans nous

  1. Fameux gourmand de Rome, qui se tua de peur de mourir de faim.
  2. « Un célèbre auteur ecclésiastique a dit que la majesté de Dieu est si grande, qu’il y a non-seulement de la gloire à lui consacrer ses services, mais qu’il y a même de la bienséance à descendre pour l’amour de lui jusqu’à la soumission de la flatterie. » ( BOSSUET, Sermons. )