Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/408

Cette page n’a pas encore été corrigée

y entrer non pour y subir un supplice, mais pour obéir à la discipline ; non pour se mesurer avec les tortures du siècle, mais pour accomplir un devoir. Ainsi familiarisé avec la douleur, il marchera au combat avec plus d’assurance, n’ayant plus même assez de chair pour que les tourments aient quelque prise sur elle, puisque renfermé dans l’aride cuirasse de sa peau, et n’offrant plus aux ongles de fer qu’une corne insensible, il s’est déchargé de bonne heure du fardeau du sang, comme d’un empêchement importun à l’âme, qui, prenant les devants, a vu souvent de près la mort par les jeûnes et les macérations En vérité, c’est bien à vous qu’il convient de présenter aux martyrs qui chancellent dans les cachots des liqueurs fortifiantes, afin qu’ils ne regrettent pas leurs habitudes, qu’ils ne prennent pas la vie en dégoût, el qu’ils ne soient pas ébranlés dans leur foi par des austérités nouvelles pour eux. Il n’avait jamais essayé de cette rude discipline, votre Pristinus, qui n’est pas un martyr chrétien. Après avoir subi une détention libre, où il se plongea dans tous les bains, comme s’ils valaient mieux que le baptême ; dans toutes les retraites de la volupté, comme si c’étaient les sanctuaires de l’Église ; dans toutes les délices de la vie mondaine, comme si elles étaient préférables à celles de l’éternité ; ainsi enchaîné, j’imagine, pour mieux échapper à la mort, le voilà qui, au dernier jour, comparaît à la face du soleil devant le tribunal du préteur. Mais le vin que vous lui aviez donné, espèce d’antidote contre le trépas, l’avait tellement énervé, qu’à peine effleuré par les ongles de fer,—car l’ivresse comprenait bien quel maître elle avait à confesser, — il ne put donner aucune réponse au proconsul qui l’interrogeait. On continua de le torturer ; on n’en arracha que des sanglots et des marques honteuses d’intempérance. Il digéra jusqu’au milieu de son apostasie. Venez nous dire encore que prêcher la sobriété, c’est être faux prophète, on que l’observer, c’est être hérétique. Pourquoi donc, vous qui niez que le Paraclet réside