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intéressé le Seigneur à ses prières, la nature et l’explication du songe lui sont révélées de point en point, les sages du tyran sont épargnés, Dieu est glorifié, Daniel est comblé d’honneurs. Il obtiendra de Dieu une grâce non moins signalée, dans la première année du règne de Darius, lorsque, se rappelant les temps prédits par Jérémie, il humiliera devant Dieu son visage dans le jeûne, le cilice et la cendre. En effet, l’ange qui lui est envoyé commence par déclarer que telle est la cause des divines miséricordes à son égard. « Je suis venu, dit-il, pour le dire que tu es l’homme de la compassion, » parce qu’il jeûnait apparemment. Oui, l’homme de la compassion pour Dieu, maïs l’homme de l’épouvante pour les lions dans la fosse où un ange lui apporta son dîner, après un jeûne de six jours.

VIII. Nous passons sous silence tout le reste, pour nous hâter d’arriver aux enseignements nouveaux. Sur le seuil de l’Evangile, la prophétesse Anne, fille de Phanuel, qui reconnut l’Enfant-Dieu, et parlait de lui à tous ceux qui attendaient la délivrance d’Israël, au titre éminent d’une longue viduité et d’un mariage unique, joint encore la gloire du jeûne, nous montrant ainsi quels sont les exercices qu’il faut apporter dans l’Église, et que l’homme qui comprend mieux Jésus-Christ, c’est celui qui ne se marie qu’une fois et jeûne souvent. Le Seigneur lui-même consacra par le jeûne son baptême, et dans son baptême celui de tous les hommes, quoiqu’il lui fût « aisé de changer les pierres en pains, » et les eaux du Jourdain tout entier en vin, s’il eût été « un homme insatiable et adonné au vin. » Que dis-je ? afin de condamner ce qui était l’ancien, il initiait l’homme nouveau en lui apprenant à dédaigner les aliments, afin que le démon, s’il essayait encore de le tenter par la faim, le trouvât plus fort que la faim tout entière. Voilà pourquoi il commença par établir la loi que le jeûne devait s’accomplir sans tristesse. Pour-quoi donc la tristesse dans une œuvre salutaire ? Il nous apprit en outre que c’était par le jeûne qu’il fallait lutter contre