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à lui-même, pour apprendre ainsi à l’homme à ne pas charger son corps d’embonpoint.

Au reste, celui[1] dont le cœur fui trouvé attentif et deboul plutôt qu’appesanti par les aliments, put prolonger, pendant quarante jours et quarante nuits, un jeûne qui surpassait les forces de la nature humaine, soutenu en cela par la foi spirituelle. Il vit de ses yeux la gloire de Dieu ; il entendit de ses oreilles la voix de Dieu ; il médita dans son cœur la loi de Dieu, qui enseignait déjà dans ce moment « que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui vient de Dieu, » tandis que le peuple engraissé par les viandes ne fut pas même capable de contempler constamment Moïse, qui s’était nourri de Dieu, et dont l’abstinence s’était engraissée du nom divin, C’est donc à bon droit que le Seigneur se montra visiblement dans sa chair, à ce collègue de ses jeûnes, ainsi qu’à Elie. Car Elie, par là même qu’il avait appelé la famine sur une terre rebelle, s’était suffisamment consacré aux jeûnes. « Vive le Seigneur ! dit-il, le Dieu d’Israël devant lequel je suis présentement ; il n’y aura durant ces années ni rosée, ni pluie, que selon la parole qui sortira de ma bouche. » Plus tard, fuyant les menaces de Jézabel, après avoir mangé un seul pain et bu un peu d’eau, que l’ange avait placés auprès de lui en l’éveillant, il marchai ensuite quarante jours et quarante nuits, et arriva l’estomac vide et la gorge desséchée à la montagne d’Horeb, où il demeura dans une caverne. Mais avec quelle boulé Dieu l’y accueillit ! « Elie, que fais-tu ici ? » lui dit-il. O parole bien plus amicale, que celle-ci : « Adam, où es-tu ? » L’une menaçait un homme repu ; l’autre caressait agréablement un homme à jeun. Telle est la prérogative de la temperance, qu’elle fait de Dieu le compagnon de l’homme, le semblable

  1. Moïse. Saint Augustin, commentant ce passage, dit : Moyses quia jejunavit, vidit Dominum ; populus quia manducavit et bibit, idola fabricatus est.