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qu’au moment où ce domicile de l’homme intérieur, chargé de viandes, inondé de vins, et haletant sous le poids de la digestion, devient le laboratoire des latrines, n’ayant plus d’autre faculté, ni d’autre énergie que pour la débauche. « Le peuple s’assit pour manger et pour boire, est-il dit ; et ils se levèrent pour danser. » Admirez ici la réserve de l’Ecriture ! Si ces jeux n’avaient pas été impudiques, en eût-elle fait la remarque ?

Mais d’ailleurs, combien en est-il qui se souviennent de la religion, lorsque le siège de la mémoire est occupé et que les organes de la sagesse sont dans les entraves ? Non, personne ne songera à Dieu, comme il convient, comrro il est juste, comme il est expédient, dans le moment où l’homme lui-même a coutume de disparaître. Point de discipline qui ne soit ébranlée ou anéantie par l’intempérance. Je suis un imposteur, si le Seigneur lui-même, reprochant à Israël l’ingratitude de son oubli, n’en attribue la cause aux excès des viandes. « Le peuple bien-aimé s’engraissa et se révolta ; appesanti, rassasié, enivré, il délaissa Dieu, son Créateur, et se retira du Dieu, son salut. » En un mot, il nous ordonne, dans le même Deutéronome, de nous prémunir contre cette même cause : De peur qu’après avoir mangé, après vous être rassasiés, après avoir bâti de superbes maisons et vous y être établis, après avoir eu des troupeaux de bœufs et de brebis, de l’or et de l’argent, et toutes choses en abondance, votre cœur ne s’élève, et que vous ne vous souveniez plus du Seigneur votre Dieu. » Le Seigneur a placé avant la corruption des richesses l’abus des aliments, parce que les richesses sont les ministres de l’intempérance. C’est par elles que le cœur des Juifs « s’était appesanti, n’ayant plus d’yeux pour voir, ni d’oreilles pour entendre, ni de cœur pour comprendre, » parce que celui-ci était comme fermé par la graisse, que le Seigneur avait défendu formellement de manger, en se la réservant