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une terre où coulaient le miel et le lait, lui avait suffisamment prouvé qu’il était son Seigneur ; mais, qu’importé ? Ebranlé tout à coup dans sa foi par l’aspect d’un désert où tout manquait, et soupirant après l’abondance de l’Égypte qu’il avait perdue, il murmura contre Moïse et Aaron : « Plût à Dieu, s’écria-t-il, que nous fussions morts par la main du Seigneur en la terre d’Égypte, quand nous étions assis près d’un amas de viandes, et que nous mangions du pain a satiété ! Pourquoi nous avez-vous amenés en ce désert pour faire mourir de faim toute cette multitude ! » C’est toujours dans l’intérêt de ses appetits charnels, que ce peuple pleura la mort de ces mêmes chefs, ministres de Dieu, dont la perte lui était sensible au souvenir des viandes et de l’affluence de l’Égypte qu’il regrettait. « Qui nous donnera de la viande à manger ? Il nous souvient des poissons que nous mangions gratuitement en Égypte ; nous n’avons point oublié les concombres et les melons, et les poireaux et les oignons et l’ail. Aujourd’hui notre ame est desséchée ; nos yeux ne voient que la manne. » C’est ainsi que les xérophagies du pain des anges lui déplaisaient ; il aimait mieux sentir l’ail et l’oignon que le ciei. Voilà pourquoi les aliments les plus agréables et les plus succulents furent interdits à cette nation d’ingrats, d’une part, pour chàtier la gourmandise, de l’antre, pour exercer la continence ; ici condamnation, là enseignement.

VI. Maintenant, si c’est vainement que nous avons fait remonter aux premières expériences du monde les raisons pour lesquelles Dieu a restreint l’usage des aliments, et pour lesquelles nous devons les restreindre nous-mêmes en vue de Dieu, interrogeons la conscience de tous les hommes. La nature elle-même nous apprendra quelle liberté d’intelligence nous apportons aux affaires et à la méditation des choses divines avant d’avoir bu et mangé, quand notre salive est vierge encore. Noire esprit n’a-t-il pas alors plus d’activité ? Noire cœur n’a-t-il pas plus de vigueur,