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à gouverner, des serviteurs à conduire, des magasins et des clefs à garder, des ouvrages de laine à distribuer, des dépenses auxquelles il faut veiller ; voilà ce que nous alléguons. En effet, il n’y a de bien administrées que les maisons des hommes mariés ! Tout va mal chez les celibalaires ; les biens des eunuques périssent ; la fortune des soldats est dilapidée ; les voyageurs sans épouses sont ruinés ! Oublions-nous donc que nous sommes aussi soldats, soldats soumis à une discipline d’autant plus sévère que notre maître est plus grand ? Ne sommes-nous pas des voyageurs dans ce monde ? Pourquoi donc cette disposition, ô Chrétien ! que tu ne puisses vivre sans épouse ?

— Il me faut, dis-tu, une compagne pour partager les soins domestiques ?

— Eh bien ! choisis quelque épouse purement spirituelle ; choisis quelque veuve belle de sa foi, riche de sa pauvreté, vénérable par son âge. Tu auras fait un bon mariage. Plus tu auras de pareilles épouses, plus tu seras agréable à Dieu. Mais non ; des Chrétiens pour lesquels il n’y a pas de lendemain désirent une postérité. Le serviteur de Dieu soupirera-t-il après des héritiers, lorsque lui-même s’est déshérité du monde ? Cherchera-t-il un second mariage, par la raison qu’il n’a point eu d’enfants du premier ? Mais alors, il demandera donc avant tout à vivre long-temps, tandis que l’Apôtre se hâtait de retourner vers le Seigneur ? En vérité, n’est-ce pas ? le chrétien sera bien plus dégagé de toute entrave dans la persécution, bien plus héroïque dans le martyre, bien plus prornpl à répondre dans les interrogatoires, bien plus modéré dans ses acquisitions ; enfin il mourra bien plus tranquillement s’il vient à laisser des enfants qui lui rendent les derniers devoirs ! Ne semble-t-il pas que les Chrétiens agissent ainsi dans l’inlérèt de la république, de peur que les cités ne se dépeuplent s’ils ne veillent à la propagation de l’espèce humaine ; de peur que les lois, le barreau et le commerce ne languissent ; de peur que les temples ne soient abandonnés ;