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avec un mal, je la tiens moins pour une chose bonne que pour un mal inférieur qui, obscurci par quelque mal plus grand, est décoré du nom de bien. Enfin, supprime le terme de la comparaison, et ne dis plus : « Il vaut mieux se marier que de brûler, » je te le demande, pourras-tu dire encore : « Il vaut mieux se marier, » sans ajouter quel est ce quelque chose de meilleur ? Tu ne peux donc appeler bon conséquemment ce que tu ne peux appeler meilleur, parce que tu as écarté un terme de la comparaison, laquelle, en déclarant le mariage meilleur, le fait passer ainsi pour un bien : « Il vaut mieux se marier que de brûler. » Cette parole doit être prise dans ce sens : Il vaut mieux être privé d’un œil que d’en perdre deux. Supprime la comparaison. Tu ne pourras dire : Il est meilleur d’avoir un seul œil, parce que tu ne peux pas dire : Cela est bon. Qu’on ne cherche donc pas à s’autoriser de ce chapitre qui d’ailleurs ne regarde que les personnes veuves ou non encore engagées dans le mariage, quoique celles-ci doivent bien comprendre la nature de la permission qui leur est donnée, ainsi que je le leur montrerai.

IV. Au reste, nous savons que l’Apôtre a dit du second mariage : « N’avez-vous plus de femme, ne cherchez point à vous remarier. Si néanmoins vous épousez une seconde femme, vous ne péchez point. » Mais dans ce passage, il parle encore de sa propre autorité, et non d’après l’autorité de Dieu. Car il y a une grande différence entre le précepte de Dieu et la recommandation de l’homme. « Je n’ai point reçu de commandement du Seigneur, dit-il ; mais voici le conseil que je donne, comme ayant reçu du Seigneur la grâce d’être son fidèle ministre. » D’ailleurs on ne trouve ni dans l’Evangile, ni dans les Epîtres de Paul lui-même, le précepte d’abandonner sa femme. Il faut en conclure qu’on doit se borner à un seul mariage, parce que ce qui n’a jamais été permis par le Seigneur est imputé à faute.