Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

hommes. La grâce est répandue sur ses lèvres. » En vérité, je ris d’entendre le prophète complimenter sur l’éclat de sa beauté et la grâce de ses lèvres un conquérant qu’il ceignait tout à l’heure de son glaive pour les combats, « Grandis, prospère, triomphe, ajoute-t-il. Triomphe pour la vérité, la douceur, la justice. » Je le demande, sont-ce là les œuvres du glaive ? ou plutôt, ne produit-il pas les œuvres les plus opposées à la douceur et à la justice, la ruse, la cruauté, la barbarie, fruits inévitables des combats ?

Examinons donc si ce glaive, dont les opérations sont si différentes, ne serait pas différent, c’est-à-dire, s’il ne serait pas la parole divine, glaive à deux tranchants, aiguisé par les deux Testaments, celui de la loi ancienne et de la loi nouvelle, aiguisé par son équité autant que par sa sagesse, et rendant à chacun selon ses œuvres. Le Christ de Dieu dont le prophète exaltait tout à l’heure la grâce et la beauté, a donc pu s’armer mystiquement, loin du tumulte des camps et des combats, du glaive de la parole divine. Voilà l’épée dont David ceignait sa cuisse, lorsqu’il annonçait qu’il viendrait sur la terre accomplir les ordres de son père. « Ta droite se signalera par d’éclatantes merveilles, » ajoute-t-il. Oui, par la vertu de la grâce spirituelle, d’où émane la connaissance du Christ : « Tes flèches sont brûlantes. » Allusion à ses commandements qui volent d’un bout du monde à l’autre, menaces, châtiments, contritions du cœur qui percent et pénètrent la conscience de chacun. « Les peuples tomberont à tes pieds, » pour l’adorer humblement. Voilà les combats et les guerres du Christ ; voilà comment il a emporté sur ses épaules les dépouilles non-seulement de Samarie, mais de toutes les nations. Reconnais donc aussi des dépouilles allégoriques dans des mains qui portent des armes allégoriques ! Ainsi le Christ descendu parmi nous sera d’autant moins belliqueux, qu’Isaïe ne l’annonçait pas comme un conquérant de la terre.