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du démon sans être bannie de la communion de l’Église !

Niera-t-elle qu’un tel mariage lui a été défendu au nom du Seigneur par la bouche de l’Apôtre ? Où trouver la cause de cette démence, sinon dans la pusillanimité de cette foi qui incline toujours à la concupiscence et aux joies profanes ? Ces tristes scandales viennent surtout des femmes opulentes ; car, plus une femme opulente s’enfle de l’orgueil de son rang, plus il lui faut une maison vaste et spacieuse, espèce de carrière où son luxe prenne librement l’essor. Les églises ont peu d’attraits pour de pareilles femmes. Un riche, dans la maison du Seigneur, est une espèce de prodige ; et, s’il s’en trouve quelqu’un, le célibat a bientôt vaincu ses forces. Que feront donc ces ambitieuses ? Elles demanderont à Satan un époux qui leur fournisse des litières, des bêtes de somme, et des parfumeurs, dont la haute stature trahit une origine étrangère ; car un époux chrétien, fût-il riche, leur refuserait sans doute cette pompe indécente.

Je vous en conjure, retracez sous vos yeux les exemples des païennes. La plupart de celles qu’illustre la naissance ou qui possèdent une grande fortune, choisissent pour époux des hommes obscurs, pauvres, et sans autre recommandation que leur vigueur pour la débauche, ou une mutilation qui se prête mieux à sa licence et à l’infamie. D’autres vont plus loin : elles s’unissent à leurs affranchis ou à leurs esclaves, bravant ainsi l’opinion publique. Peu leur importe, pourvu qu’elles aient un simulacre d’époux qui ne gêne en rien leur liberté. Et une chrétienne rougirait de s’unir à un chrétien sans fortune qui l’enrichirait de toute l’abondance de sa pauvreté ! Car si « le royaume des cieux n’appartient point au riche, » il faut bien qu’il soit au pauvre. La femme riche trouvera davantage dans un époux indigent. Quelle dot plus magnifique que celle de l’éternité ? Qu’elle s’estime donc trop heureuse de devenir son égale ici-bas, elle qui peut-être ne le sera point là-haut.