Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/334

Cette page n’a pas encore été corrigée

Que Dieu vous voie aujourd’hui telles qu’il vous verra un jour.

VIII. Homme austère, me criez-vous, ta jalouse inimitié dépouille la femme de son légitime patrimoine. — Mais quoi, ma censure a-t-elle épargné dans notre sexe des vanités aussi peu conformes à la crainte que nous devons au Seigneur ? Grâce à la corruption héréditaire de notre nature, les hommes n’apportent pas moins d’ardeur à plaire aux femmes que les femmes à plaire aux hommes. Aussi combien de honteuses industries chez eux ! que d’embellissements étudiés ! Raser leur barbe, en arracher minutieusement les poils, créper leur chevelure, la disposer avec art, déguiser la blancheur de la vieillesse sous des couleurs hypocrites, soustraire ce premier duvet qui recouvre tout le corps, farder leur visage à la manière des femmes, adoucir les aspérités de leur peau par je ne sais quelle poussière, consulter incessamment le miroir, y contempler leurs traits avec une vanité toujours inquiète, ne sont-ce pas là leurs manéges, comme si la connaissance du vrai Dieu, en nous interdisant tout désir de plaire par les moyens qui éveillent la luxure, ne proscrivait pas ces frivolités non moins inutiles que dangereuses ? Car où Dieu réside, là réside aussi la pudeur avec la sainte gravité qui l’accompagne et la soutient. Point de triomphe pour la pudeur sans la gravité qui en est la sauvegarde ! Nul espoir de faire servir la gravité chrétienne à ce triomphe, si nous ne répandons sur notre visage, sur nos vêtements, sur l’ensemble de notre extérieur, une honnête sévérité.

IX. Plus de délibérations ! Coupez, retranchez sans pitié l’incommode amas de ces parures et ce luxe immodéré d’ornements. A quoi bon afficher sur votre visage la simplicité, la modestie, la réserve de l’Evangile, si vous étalez dans le reste de votre extérieur un faste plein de séduction et d’indécence ? Que ce luxe orgueilleux soit opposé à la pureté chrétienne et serve d’aliment à la volupté, il est facile de le reconnaître : il prostitue pour ainsi dire la