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Aussi lorsqu’il s’est commis un meurtre sur un champ, quoique le possesseur n’en soit pas coupable, l’infamie qui s’attache à ce lieu, théâtre du crime, rejaillit jusque sur le maître parmi tous les siens. Après cela, chargeons notre visage de peintures ! Courons après de frivoles embellissements, afin d’être à nos frères une occasion de mort ! Que devient alors ce précepte : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Vous n’êtes pas seulement chargées de votre salut ; vous avez entre les mains le salut d’autrui. Ne vous imaginez pas que les oracles de l’Esprit saint se bornent, dans leurs prescriptions, aux devoirs qu’ils recommandent : ils embrassent dans leur sainte latitude toutes les circonstances où nous pouvons servir le prochain. Ainsi, puisque notre vertu et la vertu des autres sont exposées à périr dans ces mille sollicitudes pour mettre en œuvre une beauté déjà trop dangereuse par elle-même, sachez-le bien ! vous devez bannir tout ajustement étudié, tout artifice qui peut allumer les sens. Il y a mieux : il faut étouffer sous un extérieur négligé l’éclat de celte beauté naturelle, afin qu’elle ne fascine plus les regards. Loin de moi cependant de faire le procès à la beauté en elle-même ! Elle est un heureux accident du corps, un ornement ajouté à l’œuvre de Dieu, un voile magnifique jeté sur notre ame. Toutefois les outrages et la violence qu’elle amène nous avertissent qu’il faut la craindre. Abraham, notre père dans la foi, le savait bien, lorsque cachant Sara son épouse sous le nom de sa sœur, il acheta son salut au prix de sa honte.

III. Mais que la beauté ne soit plus une arme dangereuse, importune à qui la possède, fatale à qui la convoite, pernicieuse à qui la contemple, je vous l’accorde. Plus de tentations sous ses pas ; autour d’elle plus de tempêtes ! Une chose me suffit : elle n’est pas nécessaire aux anges de Dieu. En effet, là où existe la pudeur, la beauté est inutile, puisque son caractère distinctif, sa conséquence ordinaire,