Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/327

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quoi bon attiser dans vos cœurs des flammes défendues ? Pourquoi des provocations à un mal que vous ne voulez pas commettre ? Ensuite il est périlleux de frayer le chemin aux tentations qui, puisse le Seigneur préserver les siens de cet écueil ! souvent triomphent à force d’attaques, ou du moins troublent la paix de l’ame. Nous devons marcher toutes dans la plénitude de la foi avec un extérieur si modeste et si pur, que notre conscience n’ait pas un seul reproche à nous adresser, désirant de persévérer toujours dans le bien, mais sans trop présumer de nos forces. Car avec la présomption s’affaiblit la crainte ; à mesure que s’affaiblit la crainte, les précautions disparaissent ; sans la sauvegarde des précautions, les dangers se multiplient. La crainte est le fondement du salut ; la présomption est le tombeau de la crainte. Il vaut bien mieux croire que nous pouvons faillir que de nous rassurer sur notre propre force. Avec la certitude de notre faiblesse, nous avons la crainte ; avec la crainte, la circonspection ; avec la circonspection, le salut. Au contraire, dès que nous nous appuyons sur nous-mêmes, soit en bannissant la crainte, soit en répudiant de sages précautions, nous nous perdons infailliblement. Qui marche sans défiance, l’œil fermé sur les précipices, est voisin de la chute, tandis que le voyageur prudent et attentif s’avance d’un pas assuré. Que le Seigneur, dans sa miséricorde, veille sur ses serviteurs ! Puissent-ils se glorifier constamment de sa protection dont il les environne !

Mais pourquoi devenir un péril pour notre frère ? Pourquoi allumer dans son cœur des feux déréglés ? Si Dieu, dans l’extension de la loi nouvelle, confond dans le même châtiment l’action déshonnête et le simple désir, je crains bien que celle qui a été pour autrui la cause de sa ruine ne demeure pas impunie. En effet, vous donnez la mort au prochain quand vous alimentez sa convoitise ; votre beauté est le poignard qui l’immole. Quand même vous n’auriez pas péché personnellement, vous n’êtes pas pour cela sans reproches.