Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/323

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans le mépris ou jouissent de quelque faveur aux lieux qui les possèdent, le mépris ou la faveur deviennent légitimes, parce que la vaine gloire est toujours froide pour les choses qu’elle a sous la main. Mais, en dépit de celte distribution des richesses que Dieu a disposée comme il l’a trouvé bon, un objet, dès qu’il est rare et étranger, brille d’une séduction nouvelle chez les autres peuples, et allume en nous le désir de le posséder, par la seule raison que Dieu l’a placé loin de nous. De ce désir de posséder naît un autre défaut, le désir de posséder immodérément ; car en supposant qu’on doive posséder, il faut une mesure. Alors voilà l’ambition, ainsi nommée, parce qu’elle naît de la concupiscence, qui a envahi notre ame pour satisfaire une vaine gloire ; celle-ci bientôt ne connaît plus de bornes, car, n’ayant de fondement ni dans la nature, ni dans la vérité, mais dans la concupiscence, la plus dangereuse maladie de l’ame, comme nous l’avons dit, et dans tout ce qui alimente l’ambition, elle n’a donné de prix aux choses que pour s’enflammer davantage elle-même. En effet, plus elle attache de prix à ses convoitises, plus la concupiscence s’allume. On tire un patrimoine immense d’un petit écrin ; on étend sur un léger tissu dix mille sesterces ; une tête délicate promène des continents et des îles ; des revenus considérables pendent à une oreille ; des sacs gonflés d’or jouent à chaque doigt de la main gauche. O ambition du siècle, voilà quelle est ta force ! Le corps d’une faible femme suffit à supporter seul le poids de tant de trésors.