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rendent à l’homme des services plus nombreux, plus indispensables, et souvent même remplacent l’or ou l’argent pour des motifs plus légitimes. Ainsi l’anneau est de fer. Ainsi nous gardons encore, comme un souvenir de l’antiquité, de petits vases d’airain, témoin de la frugalité de nos pères. Que l’opulence extravagante de l’or et de l’argent serve à des usages impurs, que m’importe ; toujours est-il que ce n’est pas avec l’or qu’on laboure un champ ; ce n’est pas avec des lames d’argent que l’on protège les flancs d’un navire ; aucun hoyau ne plonge son or dans la terre ; aucune cheville d’argent ne consolide nos charpentes. Toutes les nécessités de la vie reposent sur le fer et l’airain. Que dis-je ? Ces métaux vaniteux eux-mêmes ne peuvent être arrachés des mines ni forgés pour les usages de l’homme que par l’énergique assistance du feu et de l’airain. D’où vient donc la dignité de ces parvenus pour qu’on les préfère ainsi à leurs frères, leurs égaux en naissance, leurs supérieurs en utilité ?

VI. Que sont encore ces pierres précieuses qui joignent l’orgueil à l’or, sinon d’humbles cailloux, capricieux avortons de la terre, mais qui n’ont jamais été nécessaires pour affermir les fondements de nos maisons, élever nos murailles, enchaîner nos toits, consolider nos terrasses ? Elles ne savent qu’une chose depuis long-temps, bâtir pour un sexe idolâtre de soi-même un édifice de vanité. Et pourquoi, parce qu’on les polit à grand peine pour qu’elles brillent, parce qu’on les assortit habilement afin qu’elles aient l’éclat d’une fleur, parce qu’on les perce avec mille précautions pour qu’elles pendent aux oreilles, parce qu’on les enchâsse dans l’or, afin qu’elles lui empruntent et lui envoient de mutuelles séductions. Que le luxe aille pêcher dans les mers de Bretagne ou des Indes ses coquillages renommés, à la bonne heure ; mais ce sont toujours des coquillages qui, pour la saveur, ne valent pas mieux que les plus vulgaires. Ce ne sera pas une raison pour que j’en fasse plus de cas que des pommes de mer. Si ce coquillage