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dans la dissolution ; ainsi l’on apprend à désirer de plaire autrement.

XV. Mais que dis-je ? La virginité quand elle est véri table, pure, entière, ne redoute rien plus qu’elle-même. Elle ne veut pas même endurer le regard des femmes, car ses regards à elle sont bien différents. Elle a recours au voile comme à un casque, comme à un bouclier, afin qu’il l’aide à protéger son trésor contre les attaques de la tentation, contre les traits du scandale, contre les soupçons, contre les secrètes médisances, contre la jalousie, contre l’envie elle-même. Il est chez les païens une opération formidable, la fascination[1], qui tue par la louange et par la vaine gloire. Nous l’attribuons quelquefois au démon, parce que la haine du bien est son domaine ; quelquefois aussi nous l’attribuons à Dieu, parce que c’est Dieu qui juge l’orgueil, « en élevant le cœur humble et en abaissant le superbe. » La vierge pure craindra donc, ne fût-ce qu’à titre de fascination, d’un côté l’ennemi, de l’autre Dieu ; d’un côté la malice qui porte envie, de l’autre la lumière du juge : elle se réjouira de n’être connue que d’elle seule et de Dieu. Tant qu’elle ne sera connue que de lui, elle aura sagement fermé la porte à toutes les tentations. Qui osera, en effet, fatiguer de ses regards un visage caché, un visage insensible, un visage enfin qui, pour ainsi parler, n’a rien que de triste. Toutes les mauvaises pensées viendront se briser contre cette sainte sévérité. Enfin, c’est s’élever au-dessus de son sexe que d’être vierge en cachant sa virginité.

XVI. Ainsi notre sentiment s’appuie sur l’Ecriture, sur la nature, sur la discipline. L’Ecriture établit la loi ; la nature la justifie ; la discipline la commande. Contre tant d’

  1. Pline l’Ancien nous éclaire encore sur ce passage de Tertullien : In eâdem Africâ familias quasdam effascinantium Isigonus et Memphidorus tradunt, quorum laudatione intereant probata, arescant arbores, emoriantur infantes. (PLIN. VII.)