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XIV. Une autre coutume a encore prévalu. Ceux qui jeûnent s’abstiennent, après la prière faite en commun, de donner à leurs frères le baiser de paix, qui est comme le sceau de l’oraison. Or, quel moment plus propice pour donner la paix à nos frères que celui où la prière monte vers Dieu avec la recommandation du jeûne, afin que, participant ainsi à notre œuvre, ils osent vivre avec leur frère dans la bonne intelligence de la paix et de la charité ? Quelle est la prière complète si elle n’est terminée par le baiser religieux ? En quoi la paix peut-elle nuire à celui qui rend à Dieu cet hommage ? Enfin, qu’est-ce qu’un sacrifice dont on se retire sans la paix ? Quelque raison que vous donniez de votre abstinence, elle ne l’emportera jamais sur l’observation du précepte qui nous ordonne de cacher nos jeûnes. Or, nous abstenir du baiser de la paix, c’est déclarer que nous avons jeûné. Si cependant vous avez quelque bonne raison, vous pourrez, sans violer le précepte, vous abstenir du baiser de la paix, lorsque vous priez chez vous, où il serait difficile de dissimuler vos jeûnes. Mais partout où vous pouvez cacher votre œuvre, rappelez-vous le précepte. Par là vous satisferez à la discipline au dehors, et vous suivrez votre coutume à l’intérieur.

Ainsi, par exemple, le jour de Pâque, où la religion du jeûne est commune à tous les fidèles, nous pouvons nous dispenser du baiser religieux, puisqu’il ne s’agit point alors de cacher ce que fait tout le monde. De même quelques-uns pensent que les jours de stations[1] ils ne doivent point assister aux oraisons des sacrifices, parce que la station serait rompue par la réception du corps de notre Seigneur. Quoi donc ! l’Eucharistie devient-elle un obstacle

  1. Jours de jeûne prolongés jusqu’au coucher du soleil. Station, au propre, signifie le temps qu’une sentinelle reste en faction le jour et la nuit. Le Chrétien se comparait à un soldat sous les armes, lorsqu’il vaquait aux jeûnes et à la prière.