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des martyrs qui reposent sous l’autel demandent à grands cris : Seigneur, jusqu’à quand différerez-vous de venger notre sang sur ceux qui habitent la terre ? » C’est qu’en effet ils doivent être vengés à la fin des temps. O Seigneur, hâte donc l’arrivée de ton règne ! C’est le vœu des Chrétiens, le désespoir des infidèles, le triomphe des anges ; c’est pour lui que nous souffrons, ou plutôt c’est après lui que nous soupirons.

VI. Mais avec quel art la divine sagesse a disposé toutes les parties de cette oraison ! Après les choses du ciel, c’est-à-dire après le nom, la volonté et le règne de Dieu, viennent les nécessités de la terre auxquelles elle a bien voulu assigner une place. Le Seigneur n’avait-il pas dit : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu, et le reste vous sera donné par surcroît ? » Toutefois il convient peut-être davantage de donner un sens spirituel à ces paroles : « DONNEZ-NOUS NOTRE PAIN DE CHAQUE JOUR ! » Car notre pain, c’est Jésus-Christ, parce que Jésus-Christ est notre vie, et que notre vie, c’est le pain. « Je suis le pain de vie, » a-t-il dit lui-même. Et un peu plus haut : « Le Verbe du Dieu vivant est le pain descendu des cieux. » D’ailleurs son corps est représenté par le pain : « Ceci est mon corps. » Ainsi donc, en demandant notre pain de chaque jour, nous demandons à vivre perpétuellement en Jésus-Christ et à nous identifier avec son corps. Mais l’interprétation littérale, d’ailleurs partaitement d’accord avec la discipline, est aussi admissible ; elle nous ordonne de demander du pain, la seule chose qui soit nécessaire aux fidèles. « Aux Gentils de s’occuper de tout le reste ! » C’est ce que le Seigneur nous inculque par ses exemples, ce qu’il nous retrace par ses paraboles, quand il dit : « Un père ôte-t-il le pain à ses enfants pour le donner aux chiens ? » Et encore : Si un fils demande du pain à son père, celui-ci lui donnera-t-il une pierre ? » Il montre par-là ce que les enfants ont droit d’attendre de leur père. Il y a mieux ; n’est-ce pas encore du pain que demandait cet homme qui dans