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fleuve ou dans une fontaine, dans un lac ou dans un bassin, qu’importe ? il n’y a sur ce point aucune différence entre ceux que Jean régénère dans le Jourdain et Pierre dans le Tibre. L’eunuque, que Philippe baptisa en chemin d’une eau que le hasard lui offrit, n’emporta ni plus ni moins de grâce. Toute eau naturelle acquiert donc, par l’antique prérogative dont elle fut honorée à son origine, la vertu de sanctification dans le sacrement, pourvu que Dieu soit invoqué à cet effet. Aussitôt que les paroles se prononcent, l’Esprit saint, descendu des cieux, s’arrête sur les eaux qu’il sanctifie par sa fécondité ; les eaux ainsi sanctifiées s’imprègnent à leur tour de la vertu sanctifiante. D’ailleurs, elles ont un rapport direct avec les desseins de Dieu dans cette opération. La tache du péché nous avait souillés ; les eaux nous lavent de ces souillures. Mais comme les péchés ne paroissent pas sur la chair, car personne ne porte à l’extérieur les marques de l’idolâtrie, de l’adultère ou du mensonge, ils impriment leur difformité dans l’ame, où se consomme principalement la faute. C’est l’esprit qui commande ; la chair obéit en esclave. Cependant la faute est commune à tous deux, à l’esprit, parce qu’il commande, à la chair, parce qu’elle obéit. Ainsi, dès que les eaux ont reçu comme une vertu médicinale par l’intervention de l’ange de Dieu, l’ame y est lavée au moyen du corps, et la chair purifiée au moyen de l’esprit.

V. Les Gentils eux-mêmes, tout étrangers qu’ils sont à l’intelligence des choses spirituelles, attribuent à leurs idoles la même efficacité. Mais leurs eaux, vides de vertu, ne sont que mensonge et illusion. Ils initient, par une sorte de baptême, leurs néophytes à je ne sais quels mystères d’Isis ou de Mithra. Ils honorent même leurs dieux par les ablutions solennelles de leurs simulacres. Voyez, leurs lustrations expiatoires ! Le prêtre, promenant çà et là l’eau sacrée, en arrose maison, bourgade, temple, cité ; il n’omet rien. On se prépare, le fait est connu, aux jeux d’