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l’Esprit de Dieu [1] n’ait rien souffert en son nom, parce que, s’il a souffert quelque chose, il l’a souffert dans le Fils en qui était aussi le Père, attendu que le Fils souffrait dans sa chair. Nous l’avons déjà prouvé. Personne ne le niera ; nous-mêmes ne pouvons souffrir pour Dieu, si nous n’avons en nous l’Esprit de Dieu qui parle par notre bouche, dans le moment de la confession, sans souffrir lui-même, mais en nous donnant la force de souffrir.

XXX. D’ailleurs, si tu vas plus loin, je pourrai te répondre plus durement et te mettre en contradiction manifeste avec la déclaration du Seigneur. Pourquoi tant de raisonnement, le dirai-je ? Ne l’entends-tu pas s’écrier dans sa passion : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Donc, ou c’était le Fils qui souffrait, abandonné par le Père, sans que le Père qui abandonnait son Fils souffrît avec lui ; ou, si c’était le Père qui souffrait, à quel Dieu adressait-il ce cri ? Mais non ; ce cri de la chair et du l’ame, c’est-à-dire de l’homme et non du Verbe, ni de l’Esprit, c’est-à-dire qui ne venait pas du Dieu, fut poussé pour nous montrer que Dieu est impassible, puisqu’il abandonna son Fils en livrant à la mort son Verbe fait homme. Voilà ce que l’Apôtre comprenait bien quand il écrivait : « Si le Père n’a pas épargné son propre Fils. » Voilà encore ce qu’Isaïe avait déclaré le premier : « Le Seigneur le livra pour nos péchés. » Ne pas l’épargner, c’était l’abandonner ; le livrer, c’était l’abandonner. Mais, d’ailleurs, le Père ne l’avait point abandonné, puisque le Fils remit, son ame entre ses mains. Enfin il ne l’eut pas plutôt remise qu’il mourut : car tant que l’Esprit demeure dans la chair, la chair ne peut pas mourir. Ainsi, être abandonné par son Père, ce fut la mort du Fils. C’est donc le Fils « qui meurt, et que ressuscite le Père, » suivant les Ecritures ;

  1. Tertullien entend par ce mot la divinité, qui est la même dans le Père que dans le Fils.