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est suspendu au bois, » et qui, d’après la loi, s’applique au Fils, car c’est le Christ et non le Père qui s’est fait anathème pour nous, vous convertissez le Christ en Dieu le Père, vous blasphémez le Père. Nous, au contraire, en disant que le Christ a été crucifié, nous ne le maudissons pas, nous ne faisons que rapporter la malédiction de la loi, parce que l’Apôtre lui-même n’a pas blasphémé en la rapportant. Or, de même qu’on peut dire de quelqu’un sans blasphème ce qu’admet sa nature, de même, c’est le blasphémer que de lui imputer ce qu’elle repousse. Donc le Père n’a pas souffert avec le Fils.

Ici, en effet, les sectaires craignant de s’attaquer directement au Père, essayent d’atténuer le blasphème, en accordant enfin que le Père et le Fils sont deux, pourvu que le Fils souffre et que le Père compatisse. Nouvelle extravagance ! Car, qu’est-ce que compatir, sinon souffrir avec un autre ? Or, si le Père est impassible, il ne peut donc souffrir avec un autre. Ou bien, s’il peut souffrir avec un autre, tu le fais donc passible. Tes ménagements n’avancent rien. Tu crains de le déclarer passible, et voilà que tu lui fais partager des souffrances. Il ne peut pas plus participer à des souffrances comme Père, qu’il ne peut souffrir comme Fils, en tant qu’il est Dieu. Mais comment le Fils a-t-il souffert, si le Père n’a point souffert avec lui. Il était distinct du Fils, mais non du Dieu. Qu’un fleuve, en effet, subisse quelque perturbation et quelque souillure au fond de ses eaux, quoique ce soit la même substance qui sorte de la source dont elle ne diffère pas, cependant l’outrage fait au fleuve n’aura rien de commun avec la source. Sans doute, c’est l’eau de la source qui, dans le fleuve, subit l’outrage ; toutefois, dès qu’elle le subit, non dans la source, mais dans le fleuve, ce n’est pas la source qui l’éprouve, mais le fleuve qui sort de la source. Ainsi, quand même l’Esprit de Dieu eût pu souffrir dans le Fils, néanmoins, comme ce ne serait pas, dans le Père, mais dans le Fils, qu’il souffrirait, on ne pourrait pas dire que le Père ait souffert. Mais il suffit que