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est point la détruire que d’admettre le Fils à qui il est certain que le Père l’a transmise, et qui doit un jour la restituer au Père. Par ce seul passage de l’épître apostolique, nous avons déjà pu montrer que le Père et le Fils sont deux, sans compter que les noms de Père et de Fils, et le fait de l’un qui transmet le royaume, et de l’autre à qui il le transmet ; de l’un qui substitue et de l’autre à qui il substitue, prouve nécessairement qu’ils sont deux.

V. Mais, puisque nos adversaires veulent que deux se confondent en un seul, de sorte que le Père soit le même que le Fils, il faut donc examiner à fond si le Fils existe, qui il est et comment il est. C’est déclarer que la discussion devra emprunter ses règles à l’autorité des Ecritures et à leur légitime interprétation. On prétend que la Genèse commence ainsi dans le texte hébraïque : « Dans le principe Dieu se créa un Fils. » Mais cette leçon n’est pas certaine, je l’accorde. Je tire mes arguments d’ailleurs, c’est-à-dire de l’économie qui existait en Dieu avant la création du monde, jusqu’au moment où il engendra un Fils. En effet, avant tout commencement Dieu existait seul ; il était à lui-même son monde, son espace, et l’universalité des êtres. Il était seul, dans ce sens qu’en dehors de lui il n’y avait rien de créé. Au reste, on ne peut même pas dire qu’il fût seul. Il avait avec lui la personne qu’il avait en lui-même, c’est-à-dire sa Raison, puisque Dieu est raisonnable ; la Raison était donc en lui auparavant, et ainsi tout émane de lui. Cette Raison n’est pas autre chose que sa Sagesse. Les Grecs l’appellent du nom de Lo&goj, qui chez nous équivaut à VeRbe. De là vient que, parmi les nôtres, il est en usage de dire par une interprétation simple et abrégée ; « Au commencement le Verbe était en Dieu, » quoiqu’il soit plus convenable d’attribuer l’antériorité à la Raison, puisque Dieu non-seulement produisit le Verbe dès le commencement, mais posséda la raison avant le commencement, et que le Verbe lui-même étant formé de la Raison, ne doit venir qu’après la Raison, sa substance. Toutefois,