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TERTULLIEN.

rêtent la témérité de nos jugements. « Qui a connu les desseins de Dieu, ou qui est entré dans le secret de ses conseils ? Qui lui a ouvert la route de l’intelligence ? »

Il y a mieux. Le monde, pour apaiser la colère de ses dieux, leur offre des victimes humaines, les Scythes à Diane, les Gaulois à Mercure, les Africains à Saturne. De nos jours encore, le Latium, sur ses places publiques, présente à son Jupiter des libations de sang humain. En est-il un seul qui se plaigne ? Toute l’assemblée ne dit-elle pas qu’il y a là quelque secret motif, ou que la volonté de son dieu est incompréhensible ? Si notre Dieu avait réclamé des dévouements et des martyrs, à titre de victimes spéciales, qui lui aurait reproché une religion sinistre, des cérémonies lugubres, des autels convertis en bûchers, et des prêtres environnés de cadavres ? Ou plutôt qui n’eut envié le bonheur de servir à la nourriture de son Dieu ?

VIII. Je me renferme dans ce point unique, et me borne à rechercher si le martyre a été ordonné par Dieu, afin qu’ordonné par Dieu, il vous semble un acte de sagesse, puisque toutes les prescriptions divines sont sages. « La mort des élus est précieuse aux yeux du Seigneur. » Ainsi l’a chanté le Psalmiste ; non point, j’imagine, cette mort commune, tribut qu’il nous faut tous acquitter, encore moins cette mort ignominieuse, flétrie par l’iniquité et par la damnation qui la suit, mais cette mort que l’on brave pour rendre témoignage à sa religion, lutte glorieuse où le martyr se sacrifie pour rester fidèle à la justice et à son serment, telle enfin qu’elle est décrite par Isaïe. « Le juste périt, et nul n’y pense dans son cœur. Le Seigneur rappelle à lui l’homme de sa miséricorde, et nul ne le regrette. Le juste sera enlevé de la présence des méchants, et sa sépulture sera honorée. » Tout est là, annonce du martyre, récompense du martyre.

En effet, la justice, dès l’origine, souffre la violence. Dieu n’a pas plutôt commencé d’être honoré, que la religion est l’objet de la jalousie. Celui qui était agréable à