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TERTULLIEN.

de sagesse, puisqu’elle les enfante à la vie ; pleine de raison, puisqu’elle les met en possession de la gloire ! Ô ingénieux parricide ! Ô crime d’une adresse consommée ! Ô sainte cruauté qui tue pour que la victime ne meure pas !

Et après cela que vient-il ? « La Sagesse est célébrée au dehors par des hymnes d’allégresse. » Ne chante-t-on pas, en effet, le triomphe des martyrs ? « La Sagesse déploie son intrépidité sur les places publiques, car elle n’égorge ses fils » que pour leur bonheur. « Elle fait entendre sa voix avec confiance sur les murs les plus hauts de la cité, » témoin lorsqu’elle s’écrie suivant Isaïe : « Je suis au Seigneur. L’autre dit : J’appartiens à Jacob ; un autre, j’appartiens à Israël. » Ô mère compatissante ! que ne puis-je être compté parmi ses enfants pour être immolé par elle ! Que ne puis-je être immolé de sa main pour devenir son fils ! Mais se contente-t-elle d’égorger ses enfants sans les torturer aussi ? J’entends Dieu s’écrier ailleurs : « Je les purifierai comme on purifie l’argent, et je les éprouverai comme on éprouve l’or. » Oui, sans doute, au creuset des supplices et par les tortures du martyre, qui sont comme la pierre de touche de la foi. L’apôtre n’ignore pas davantage quel Dieu il a prêché, lorsqu’il écrit : « S’il n’a pas épargné son propre fils, et s’il l’a livré à la mort pour nous, que ne nous donnera-t-il point après nous avoir tout donné ? » Vous le voyez, la Sagesse divine a immolé son propre fils, son fils premier-né, son fils unique, pour qu’il eût à vivre, que dis-je ? pour qu’il pût rétablir dans la vie tous ceux qui l’avaient perdue. Puisque la Sagesse de Dieu n’est rien moins que le Christ « qui s’est livré pour nos péchés, » je puis dire dès-lors que la Sagesse s’est immolée elle-même. Les paroles renferment deux choses, le son et le sens ; il ne suffit pas que l’oreille du corps entende, il faut que l’oreille de l’esprit pénètre. Celui qui ne comprend pas les opérations de Dieu, crie à la cruauté. Cependant, nous avons beau ne les pas comprendre, les textes sacrés sont là, qui ar-