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TERTULLIEN.

comme insulté ce combattant si joyeux ? Mais que dis-je ? Le vaincu lui-même reproche-t-il son infortune au président des jeux ? Et il serait malséant à Dieu de proposer ses combats et ses jeux ? de nous ouvrir cette arène où il nous donne « en spectacle aux hommes, aux anges, » et à toutes les puissances ? d’éprouver quelle est la force de l’ame et de la chair ? de distribuer à celui-ci la palme, à celui-là des honneurs ; à celui-ci le droit de cité, à celui-là des récompenses ? d’en réprouver quelques autres, et de rejeter avec ignominie ceux qu’il a châtiés ? En vérité, n’allez-vous pas imposer à Dieu et le temps, et la manière et les lieux où il doit juger sa famille, comme si la sagesse et la prévision n’entraient pas aussi dans les attributions d’un juge ?

Mais que dire maintenant, si ce n’est pas à titre de combat que Dieu nous a proposé le martyre, mais pour l’avancement de notre foi ? Ne fallait-il pas qu’elle eût sous les yeux comme une espérance supérieure où elle pût rassembler ses efforts, suspendre ses vœux, et gravir avec constance, puisque les offices de la terre aspirent eux-mêmes à monter de degré en degré ? Ou bien, comment y aurait-il dans « la demeure du père de famille des tabernacles différents, » si on n’admet pas la diversité de mérite ? Comment une « étoile différera-t-elle en éclat d’une autre étoile, » si ce n’est par la différence des rayons ? Or, si la Foi, elle aussi, devait marcher de sublimité en sublimité, de splendeur en splendeur, il fallait que ses conquêtes fussent le prix laborieux de la fatigue, de la souffrance, de la torture et de la mort elle-même. Examinez d’ailleurs quels sont les dédommagements. En sacrifiant ce qu’il a de plus cher au monde, son corps et son ame, celui-ci ouvrage, celle-là souffle du Créateur, l’homme ne se dépouille que pour placer à un plus gros intérêt, ne dépense que pour retrouver davantage : même prix, même récompense. Dieu avait vu d’avance que parmi les épreuves de la fragilité humaine les assauts du tenta-