Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
TERTULLIEN.

gner les tortures par les tortures, dissiper les supplices par les supplices, communiquer la vie en donnant la mort, soulager la chair en paraissant la blesser, sauver la vie en paraissant l’arracher. Ce que vous appelez désordre est l’économie de la divine sagesse ; cette rigueur que vous accusez est une grâce véritable : Dieu récompense par l’éternité des épreuves d’un moment. Rendez hommage à ce Dieu, qui n’est cruel que pour votre bien. Vous êtes tombé dans ses mains, oui, heureusement pour vous, parce qu’il a pu reconnaître vos maladies. La maladie de l’homme précède toujours le médecin. L’homme avait couru au-devant du trépas. Il avait reçu de son Seigneur, comme d’un médecin compatissant, l’utile avertissement de vivre selon la loi, c’était de manger de tous les fruits, excepté de ceux d’un arbre qui lui fut désigné. Défense importune ! Le législateur le savait bien. Trop docile aux suggestions de celui qu’il préféra, l’homme viola le précepte d’abstinence, et porta à ses lèvres le fruit défendu. Saturé de transgression, pour ainsi dire, il fut mûr pour la mort, bien digne, il faut l’avouer, de périr tout entier, puisqu’il l’avait ainsi voulu. Mais le Seigneur, laissant tomber la première fermentation du péché et attendant du progrès des temps l’élaboration de son œuvre, composa peu à peu des remèdes qui ne sont rien moins que les règles de la foi, discipline ennemie du vice, tranchant par la parole de vie la parole de mort, et détruisant l’ouïe de la transgression par l’ouïe de l’obéissance. Vous le voyez : quand ce médecin suprême ordonne de mourir, il ne fait que bannir l’engourdissement de la mort. Ô homme ! pourquoi refuses-tu de te guérir aujourd’hui par la mort, quand tu n’as pas craint autrefois de te perdre par elle ? Pourquoi ne veux-tu pas de l’immolation qui sauve, quand tu as voulu du trépas qui anéantit ? Quoi ! si dédaigneux de l’antidote, si affamé du poison !

VI. Il y a mieux. S’il était vrai que Dieu nous eût proposé le martyre à titre d’épreuve, afin que l’homme pût