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TERTULLIEN.

teint sous le poids de la chair ; on prend en dégoût le nom chrétien ; déjà l’ame elle-même cherche où vomir. Ainsi, après ses premières blessures, la faiblesse ne tarde point à rejeter une foi languissante sous le poison de l’hérésie ou des affections mondaines. Aujourd’hui nous sommes au milieu de l’été, c’est-à-dire que la canicule de la persécution s’allume par les mains de Cynocéphale lui-même. Les Chrétiens ont été éprouvés, ceux-ci par les bûchers, ceux-là par le glaive, les autres par la dent des bêtes féroces. Quelques-uns, relégués dans des cachots, après avoir subi la flagellation ou les ongles de fer, ont soif d’un martyre commencé ailleurs.

Nous-mêmes, lièvres timides que l’on destine à la chasse, l’hérésie nous assiège de loin, fidèle à sa marche accoutumée. Les circonstances présentes nous avertissent donc d’opposer aux scorpions de notre pays une antidote efficace, que nous mitigerons autant que possible. Lecteur, buvez : la potion n’est pas amère. Si « la parole du Seigneur est plus douce que le rayon du miel, » le remède que je vous propose en est tiré. Si le lait et le miel coulent dans les promesses du Seigneur, lait et miel aussi que le martyre et son salaire ! Au contraire : « Malheur à qui change l’amertume en douceur et la lumière en ténèbres ! » Détracteurs du martyre, en voulant qu’un moyen de salut soit un moyen de damnation, vous changez aussi bien la douceur en amertume que la lumière en ténèbres, et en préférant les misères de la vie présente aux félicités de la vie à venir, vous substituez aussi bien l’amertume à la douceur, que les ténèbres à la lumière.

II. Mais avant de traiter de la gloire du martyre, considérons-le comme une dette ; avant de nous convaincre qu’il est utile, prouvons qu’il est nécessaire. Dieu l’a-t-il voulu ? Dieu l’a-t-il ordonné ? Donnons à la question une autorité divine pour base, afin que les détracteurs du martyre n’en proclament les avantages que quand ils seront subjugués. Il est convenable de rappeler l’hérésie